Le 20 mars, dans le sillage du Printemps des poètes 2012, on a entendu la journaliste bien connue, Audrey Pulvar, lire sur France Inter le fameux poème de Messaour Boulanouar J’écris, (tiré de l’anthologie de la poésie algérienne Quand la nuit se brise (Paris, éditions Points, 2012). Évènement médiatique peu ordinaire, dans le cadre d’un billet politique que la journaliste signait sur les ondes d’une grande radio française, France Inter.
Réactions immédiates des auditeurs, tel cet avis posté sur le site de l’émission : « Merci au seuil millimétré du printemps ( 6 h 14 … Wow ) de lire ce poème magnifique réécouté… », ou tels autres : « Merci… pour ce choix, cette ouverture vers la lumière… » ; « La poésie fait fondre le cœur du plus endurci et réconcilie avec la vie ». Et en écho, le poème était suivi par la chanson Les mots, de Claude Nougaro, enfant de Toulouse bien connu en Algérie où il donna plusieurs récitals.
Messaour Boulanouar définit ainsi le « fait poétique » dans un entretien avec le regretté Tahar Djaout : « Le fait poétique ne dépend pas du lieu où nous vivons, mais de la charge poétique accumulée par le poète dans le passé et parfois dans le présent (…) On ne naît pas poète, on le devient par le contact avec le monde, par le refus de tout ce qui heurte notre conscience ». À partir de quel moment historique Messaour Boulanouar a-t-il pris la parole, est-il devenu poète ? Leitmotiv chez lui : « Je n’écris pas pour me distraire ou distraire ». Il s’est voulu sans détour « semeur de conscience ». La poésie, selon, lui serait-elle en permanence un exercice de combat ? Ne peut-elle au détour de ses devoirs en société, buissonner et gambader dans l’imaginaire, voir habiter des paysages oniriques s’adonner à des jeux sémiologiques ? Nous n’avons pas une connaissance complète de l’œuvre de Messaour Boulanouar pour être catégorique. Certains critiques littéraires n’hésitent pas à lancer l’anathème ou à déclarer « finie » la poésie des grands engagements. Qui lit, selon, toi aujourd’hui Éluard ?, répète-t-on avec malice. Messaour est né quelques années au lendemain du centenaire de la Conquête. Il a donc grandi, vécu sa jeunesse sous la colonisation. Et très tôt pris conscience de l’injustice qui était faite aux Algériens. Quelques personnes et les lectures surtout ont ponctué son cheminement dans la vie et la création, telle la sœur de Maurice Audin qu’il a rencontrée à Sour el-Ghozlane, (ex. Aumale). Malgré le temps, l’âge, les épreuves, Messaour Boulanouar peut encore réciter de mémoire jusqu’à ce jour les « récitations » apprises à l’école.
Il connaît Victor Hugo mieux que certains chercheurs. En tout cas, dans son rapport d’Algérien à lui, de colonisé surtout.
Il nous a confié, ce n’est pas un secret, qu’il avait été à la fois déçu et fasciné par Hugo. Ce dernier n’était-il pas ainsi emblématique de tous ces écrivains du XIXème siècle qui avaient applaudi à la colonisation de l’Algérie sans savoir ce que cela signifiait comme sang et servitude ? Tel Lamartine qui se déclarait « oriental » à tout jamais et applaudissait cependant à la conquête de l’Algérie. Mais Hugo a évolué, d’autres non… Il suffit de lire dans Les Châtiments, le poème qu’il consacre à l’Émir Abdelkader.
À 17 ans, le futur auteur de La meilleure force, pauvre et malade, interrompt ses études secondaires. Et des années plus tard, éveillé au nationalisme et aux exactions de la puissance coloniale française (8 mai1945) et de ses vaines promesses au lendemain de la Seconde guerre mondiale (élections trafiquées par le gouverneur Naegelen qui se soldera notamment dans la région de Sour el-Ghozlane, à Dechmiya par la mort de plusieurs Algériens qui les contestaient localement), il passera au militantisme actif, connaîtra la prison de Serkadji entre 1956-1957. Et c’est en prison qu’il conçoit dans sa tête La meilleure force qui s’ouvre sur J’écris. Un passage qui est devenu très connu, voire « anthologique », repris sur internet par les amateurs de poésie à hauteur d’homme (…)
Suite de l’article dans la version papier
abonnez-vous à L’ivrEscQ
Il n'ya pas de réponses pour le moment.
Laissez un commentaire