S’il est un lieu où l’esprit se libère des contraintes, c’est la cité. Celle que chacun bâtit en soi et avec l’autre, cet inconnu qui vient nous questionner. Le souffle de l’esprit de la jeune Athènes a parcouru les rives de nombreux morceaux de terre épars, en mouvement. À nous, les nouvelles vagues déferlantes à venir, à nous les bourdonnements d’essaims furieux, à nous les rencontres incroyables qui surprennent les lignes d’horizon. Les yeux portent plus loin soudainement. Demain est un peu de ce temps prêté au présent.
Les rives d’aujourd’hui sont les montagnes à venir. Contractées, écrasées. Frappées d’amnésie, les terres mélangées, entrechoquées ne distingueront plus les tracés. Des commissions d’experts batailleront pour établir les marques géologiques des anciennes erreurs prises pour vérités…. De ces terres, il ne reste que les cris d’oiseau. Le vol saccadé d’un papillon fascine. Son élan gracile, suspendu à un improbable fil, donne à son vol chahuté la démarche d’un pantin soumis aux doigts malicieux d’un enfant. Sensible à l’attention que naturellement il porte aux sucs, il se pose, se nourrit, et s’étonne : à quoi donc servent ces dévoratrices de vies que sont devenues les villes ? Autrefois, les poètes, ces artisans de la cité qu’invoquait Homère, les faisaient grandir. Aujourd’hui, ruines en promesses, elles s’acoquinent aux morceaux de routes abandonnées. Marqués de bitume où s’égarent nos énergies, nos esprits occupés à faire plutôt qu’à se défaire. À dire plutôt qu’à penser. À suivre plutôt qu’à vivre. Nous nous sommes perdus. Les hommes ont construit des feux étranges où brûlent leurs cœurs. Loin de l’art de gouverner, ils dirigent, ordonnent. Le béton lisse et froid est le juste reflet de ces interprètes d’un monde où les rêves promis fuient le sommeil. L’énergie du désespoir se nourrit aux sources du désarroi. Les âmes vives courant entre les cerisiers en fleurs portent-elles les promesses des rouges gourmandises charnues ? Le printemps frappe inopinément aux portes des cités ! Elles s’ouvriront encore faisant fuir les marchands de temps, négociant demain en parlant d’aujourd’hui sans se soucier d’hier. Leur vérité est une acide volonté crispée, la main sur un canon. Il en partira des bruits. Il en sera fait des noms d’enfants perdus, des gourmands de nouveaux jours, ceux-là mêmes qu’ils oublieront après les avoir clamés. Non delenda est Carthago ! L’écrasement du temps devenu étouffant n’a pas de contrainte pour l’imagination, l’envie et la volonté d’être. Les cités sont nos miroirs. Redevenons poètes !
Téric Boucebci
Une Réponse pour cet article
Tres beau texte Téric. j’apprécie
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