L’ivrEscQ : Votre roman est un roman haletant, fluide, facile à lire, on y trouve comme thème favori la famille made in Algérie, à tel point que le héros ne se permet aucunement des écarts de conduite, pourtant, il est conscient qu’il se sacrifie pour sa fille…
Salah Mouhoubi : Je vous remercie, car rien n’est agréable pour un auteur que de s’entendre dire que son roman est fluide et facile à lire. Je considère cela comme un compliment car un auteur s’efforce toujours d’améliorer son style pour permettre au lecteur d’éprouver un réel plaisir à la lecture. Je dois dire que, personnellement, j’ai toujours apprécié les livres faciles à lire, c’est-à-dire écrit dans un style clair, limpide et vivant. Mes lectures m’ont beaucoup influencé dans ce sens. Dans ce roman, j’ai délibérément choisi comme thème une famille typiquement algérienne. J’ai voulu mettre en exergue cette famille algérienne modeste, pleine de qualités humaines, fière de son terreau culturel et en même temps progressiste, car résolument tournée vers la modernité. De mon point de vue, l’attachement à des traditions n’est pas antinomique de la recherche de la modernité. Les pays développés ont opéré une formidable synthèse de ces deux concepts et d’ailleurs, la Chine, l’Inde, le Japon et bien d’autres pays sont des exemples qui méritent d’être médités. Le héros du roman est un prototype de cette synthèse. C’est un homme normal, sensible, attaché à des traditions ancestrales qui sont les bases de la cohésion sociale, puisqu’il se sacrifie pour sa fille et, en même temps, déclare qu’il est citoyen du monde, car il reste ouvert et tolérant. Il aime le châabi mais il apprécie les grands génies de la musique classique. C’est un homme qui vit pleinement dans son siècle.
L. : Une femme et deux amours enchante certains et surprend d’autres, mettant en évidence la réponse de la vie. Pourtant vous pointez de l’index la société ruralisée…
S.M. : Vous savez mieux que moi qu’un auteur est d’abord un observateur attentif de la société, de ses mouvements, de ses humeurs, de ses tendances mais aussi de ses problèmes, de ses angoisses, et même de ses espoirs, bref de tout ce qui la touche. Alors, à sa manière, il restitue cette réalité, subrepticement ou directement, soit sous forme «d’état d’âme» de l’auteur, soit à l’occasion d’un dialogue entre les personnages du roman. C’est ce que fait Ahmed, en pointant de l’index la société ruralisée. Car, c’est un véritable problème de fond qui est posé. Dans tous les pays du monde, il y a les citadins et les ruraux. C’est une règle. Il ne peut y avoir de citadins ruralisés ou de ruraux-citadins. Quand le rural émigre ou s’installe dans la ville, il est intégré et devient citadin mais il ne peut en aucun cas rester rural et devenir citadin. Car, si l’on reste dans ce schéma, cela veut dire que le concept de ville n’a plus de sens. C’est la raison pour laquelle Alger a perdu son âme de capitale et que les villes du pays sont beaucoup plus proches de gros villages que de centres urbains et modernes. D’ailleurs, on le constate dans le comportement des gens à travers, par exemple, l’absence totale de civisme. Les sociologues ont peut-être une explication à ce phénomène. De toute façon, c’est ce qui explique, en partie bien sûr, que la société algérienne a perdu ses repères ; elle est déstructurée en profondeur et porte en elle-même les germes de la violence et peut-être même de son implosion.
L. : On pourrait dire que votre plume rend hommage à la femme. Autrement dit, la force de la femme est au centre d’intérêt des hommes, d’où le titre de votre roman. Pourquoi un tel égard envers la femme ?
S.M. : Je ne suis pas féministe mais la femme, surtout algérienne, mérite tous les égards. Le passé et le présent plaident entièrement en sa faveur et il ne saurait y avoir de futur sans elle. La femme algérienne a prouvé tout au long de l’histoire qu’elle pouvait être effectivement l’égale de l’homme. Elle a arraché par ses combats incessants ses droits dans une société arriérée et, il faut l’avouer, caractérisée par une tendance manifeste au machisme. Alors, vous pouvez comprendre que je n’hésite pas un seul instant à utiliser ma plume pour défendre la cause de la femme algérienne.
L. : On s’attendait à une escapade entre le veuf et Nadia, la secrétaire, et voilà encore une fois, nous sommes embarqués dans un monde «moralisateur». Cette dernière est mère de famille maternant Lamia, la fille de son patron. Pourquoi ce verbe conventionnel le long du roman ?
S.M. : J’aurais pu imaginer une telle éventualité, une escapade entre Ahmed, le héros du roman, et sa secrétaire. Mais …
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