Je reste convaincue que notre lectorat demande à lire, mais ne sait pas quoi lire,car la machine promotionnelle est coûteuse.
L’ivrEscQ : Comment se porte le livre aujourd’hui aux éditions Barzakh ?
Selma Hellal : Plutôt bien, comparé aux années passées. Notre ligne éditoriale s’affirme au fil des années. On sait quel champ occuper en matière de roman, essai, beaux livres…
L : Qu’avez-vous à dire à cette parabole de sondages et de statistiques : «nos concitoyens ne lisent pas» ?
S.H : Il faut se méfier de ces raccourcis spectaculaires à l’emporte-pièce. Chaque salon du livre est une expérience. Il arrive que les gens viennent du fin fond de l’Algérie et achètent des livres. Ces mêmes personnes, si je les rencontre un jour en marchant, je ne penserais jamais qu’ils peuvent lire, donc on arrête de jauger par des a priori…
L : Nous avions réalisé une petite enquête ou plus précisément une «Alerte» dans le précédent numéro de L’ivrEcsQ, et avions constaté qu’Internet demeure la plateforme de l’écrit, par excellence…
S.H : Il y a des fans qui parlent de livres sur Facebook, c’est à nous d’investir cet espace, qui reste à exploiter. La jeunesse est férue de numérique, pourquoi ne pas rester «in» sur notre ère. Je reste convaincue que notre lectorat demande à lire, mais ne sait pas quoi lire, car la machine promotionnelle est coûteuse. Dans ce cas-là, le numérique prend place par l’accessibilité ; donc à nous les acteurs du livre de déployer plus d’efforts.
L : Selon vous, est-ce que le livre est en voie d’extinction ? Le ministère de la Culture mise depuis quelques années sur le livre, et le rend visible, est-ce que c’est suffisant, et où se situe la lacune ?
SH : Il n’y a pas de lacune, il y a une série de déficiences, d’abord et avant tout le système éducatif. L’élève ne lit plus. Elle est où la place du livre dans l’enseignement par le conte, le roman et autre ?! Le comble de l’incongruité est qu’ il y a des enfants qui traversent des années sans avoir jamais lu un seul livre. C’est souvent le cas des bacheliers! Je pense que la démarche pédagogique est élémentaire. L’imaginaire de l’enfant doit être mûri par le livre, c’est élémentaire dans la vie d’un enfant.
L : Que publient les éditions Barzakh ?
S.H : De la littérature qui reste difficile à vendre. Des beaux livres. Des essais. Et autres.
L : Est-ce que vous avez lancé de nouvelles plumes ces trois dernières années ?
S.H : Ces trois dernières années non, mais il y a deux auteurs que nous allons publier, dont nous pressentons le talent. Ils ont quelque chose à proposer, dans le récit subjectif. Nous voulons modifier, et apporter un nouveau visage à notre façon de procéder.
L : Un avis sur la nouvelle vague de nos écrivains qui publient en Algérie ?
S.H : C’est difficile, le livre actuel n’est plus au service des discours militants. Beaucoup de personnes écrivent, passent leur temps à écrire. D’ailleurs, les sociologues et les spécialistes de ce phénomène doivent se pencher là-dessus.
L : Un avis sur nos écrivains « stars » qui publient ailleurs et qui sont accueillis comme des stars incontestables chez nous lors des festivals ?
S.H : Parfois, ça nous irrite, mais lorsqu’on voit le revers de la médaille et qu’on découvre qu’ils sont lus aux quatre coins de la planète, on ne peut qu’être heureux.
L : Est-ce que l’éditeur algérien n’attend pas en quelque sorte que les éditeurs français lancent un auteur pour le récupérer ici, quand on sait que leur ligne éditoriale est différente de la nôtre ? Autrement dit, les thèmes de la condition féminine et des années sombres du siècle passé…
S.H : Oui je crois que le piège est là. Les grandes maisons d’éditions françaises ou libanaises ont le monopole sur les auteurs. Leur lobby est bel et bien réel, surtout quand on est dans un branle-bas de combat interminable. Les maillons du livre sont destructurés alors qu’ils doivent être en place afin de s’imposer dans notre pays.
L : Qui décide qu’un écrivain vaut mieux qu’un autre, les médias ou les maisons d’éditions ?
S.H : Les deux. Il y a des romanciers qui ont bénéficié d’une promotion accrue alors que d’autres ne sont pas sous les feux de la rampe.
L : Donnez-nous des noms d’écrivains « stars » qui publient aux Barzakh éditions ?
S.H : Nous n’avons pas de star. La star est celle qui vend 50000 exemplaires en trois mois. Nous n’avons pas ce chiffre.
L : Quels sont les écrivains qui ont disparu de la scène littéraire ?
S.H : Lorsque j’écoute Habbib Ayoub, et la difficulté dans laquelle il se retrouve, j’ai peur qu’il soit menacé.
L : Quel est votre livre de chevet ?
S.H : L’adolescente que j’étais, avait comme livre de référence et de passion « Les Hauts de Hurlevent » d’Emily Brontë. Actuellement, je suis entourée de livres. Je suis happée par toute cette étendue de livres qui emplissent ma vie.
L : Les projets d’éditions chez Barzakh ?
S.H : Maintenir le cap et veiller à ce que la littérature persiste.
L : Est-ce que vous offrez des livres à vos amis ?
S.H : Oh oui beaucoup ! Je crois que c’est un acte utile. Faire passer le livre par ce plaisir tactile reste un bonheur total pour moi.
L : Le mot de la langue française que vous aimez…
S.H : L’adverbe « langoureusement ».
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