Recueil de nouvelles hétéroclite, Nouvelles d’Algérie réunit six des plumes algériennes les plus originales : Leila Marouane, Rachid Boudjedra, Hamid Skif, Amin Zaoui, Anouar Benmalek, Atmane Bedjou. L’oeuvre commence par un avant-propos en hommage à l’Algérie, écrit conjointement par les deux éditeurs de cette Collection Miniatures, Pierre Astier (pour l’édition française) et Karim Chikh (pour les éditions Apic, Algérie). «C’est l’Algérie […] Les nouvelles réunies ici voyagent dans l’espace des générations. À chacun son temps d’écriture, son lieu d’inspiration, son rythme de respiration et ses mots d’explosion […] Les six auteurs de ce ‘‘Miniatures Algérie’’ sont juste les témoins d’un autre moment de son histoire», lit-on en bref dans celui-ci. Les six nouvelles, qui sont toutes des actes de foi dans l’expression des désillusions et des interdits, se présentent dans une succession harmonieuse.
Elles s’ouvrent sur le récit de l’aventure amère d’une jeune femme libre (Mon tuteur légal, de Leila Marouane) qui se retrouve contrainte de s’enfuir à l’étranger après avoir épuisé tous les recours de réconciliation possibles; et s’achèvent (avec Mort au bout du monde, de Atmane Bedjou) sur la tragédie d’une autre femme revenue dans un cercueil de son lointain pays d’exil, pour revoir enfin les siens. De son vivant, elle était obsédée par la honte de se voir débarquer avec une enfant née d’une relation illicite… En passant, respectivement, par la triste histoire de la vieille femme à qui des mercenaires criminels ont sauvagement ravi mari et enfants (Chronique de l’année du barbelé, de Rachid Boudjedra) ; les aberrantes péripéties, dans un monde non moins aberrant, d’un demi-fou qui haïssait sa femme autant qu’il aimait sa fille (Le lézard, de Hamid Skif) ; les manoeuvres des amants criminels dont les infamies sont restées impunies, prisonniers qu’ils sont des convenances soucieuses uniquement de sauver les apparences (L’honneur de la trahison, de Amin Zaoui); et la révoltante découverte d’un journaliste, parti couvrir un congrès scientifique dans un état arabe et se trouvant engagé dans le cercle labyrinthique des manigances du dictateur local qui prétend prévoir un semblant de clémence en direction de ses opposants (L’échangeur, de Anouar Benmalek).
Nouvelles d’Algérie est une plongée en profondeur pour sonder les démons qui sommeillent en chacun de nous et une tentative de percer les ténèbres pour faire jaillir la lumière.
Suite de l’entretien dans la version papier
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Le Lézard, par Hamid Skif
«Tout est confus, l’obscur ballet se joue à guichets fermés. La mort plante ses canines dans la chair des plus jeunes. Les vieux crèvent en regardant leurs enfants expirer sur les trottoirs. Deux voisins ont disparu, enlevés par des mains surgies de la nuit.»
Zerzoumia, littéralement lézard dans le parler populaire algérien, est un narrateur bien étrange. Cloîtré dans le sinistre décor de son minuscule appartement, et préférant la compagnie des lézars, qu’il élève en grand nombre, à celle de ses semblables, ce demi-fou misanthrope voue surtout une haine sans bornes pour sa femme qu’il accuse de tous les torts… Seule sa fille trouve grâce à ses yeux dans le réquisitoire qu’il dresse contre tout ce monde «pourri» qui l’entoure.
Une nouvelle sensationnelle qui décrit l’état intérieur d’un citoyen désabusé, rongé par une rancoeur démesurée : «J’en veux au monde entier. Le destin est contre moi. Déjà, le jour de ma naissance, la nuit tomba à dix heures du matin.»
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