L’ivrEscQ : Monsieur Balhi, en tant que directeur des éditions l’Anep, quel regard portez-vous sur l’édition en Algérie, et notamment votre maison d’édition ?
Mohamed Balhi : Ce qui est positif, c’est qu’il y a de plus en plus d’ouvrages qui sont édités, mais il y a un long chemin à faire pour parvenir à créer une industrie du livre. Tout le monde doit s’y mettre, à commencer par les pouvoirs publics. Ce qui est intéressant, c’est que l’on fabrique de plus en plus de produits de qualité et là je fais allusion au beau livre. Les Editions Anep ont un fonds éditorial conséquent et aspirent à produire plus et mieux. Le marché du livre est gigantesque, et il y a de la place pour tous les professionnels.
L. : Quelle est l’évolution du livre dans les trois prochaines années ?
M. B. : Je dirais que ce qui marche le plus, c’est tout ce qui a trait à l’histoire de l’Algérie et on peut le comprendre. Il y a un puzzle à reconstituer depuis Juba II. La colonisation de peuplement a entraîné une acculturation et ça n’a pas été mieux avec le parti unique. C’est normal que l’on revienne aujourd’hui à l’essentiel. Ce ressourcement politique, religieux et culturel est salvateur. Quant au roman, hélas, il a un cheminement lent. Le talent existe pourtant. Il y a d’excellents textes qui passent à côté, car il n’y a pas de critique littéraire en Algérie. Les gens préfèrent aller se faire publier ailleurs pour avoir une plus grande résonnance médiatique.
L. : Où s’oriente la ligne éditoriale de l’Anep ? Est-ce que vous avez une unité dans ce que vous publiez, ou alors votre maison d’édition se cherche dans une ligne éditoriale suivant les tendances ?
M. B. : On n’agit pas par effet de mode. La mémoire collective de l’Algérie est enfouie en nous, mais elle risque de disparaître avec la patine du temps. C’est comme ces manuscrits des zaouïas d’Adrar qui risquent d’être perdus à tout moment. L’encyclopédie de l’Algérie est à faire. Il y a les gens, la faune et la flore. Si un auteur nous ramène un texte sur la musique gnaoua et un autre sur le jazz, eh bien, on prendra le premier. Si on a à choisir entre un livre sur Ferhat Abbas et un autre sur Rosa Luxembourg, notre choix est évident.
L. : Vous publiez beaucoup de livres. A les feuilleter, on remarque l’importance de la mise en page et le travail confirmé d’impression …
M. B. : L’imprimerie de l’Anep est aujourd’hui outillée pour réaliser des ouvrages de qualité. Nous avons affaire à une industrie, donc cela suppose des équipements pointus, des traditions et un savoir-faire. Mais comme je vous l’ai déjà dit, il y a encore un sacré boulot à accomplir.
L. : Néanmoins, dans votre catalogue, vous ne publiez pas beaucoup de recueils de poésie ni de romans, probablement, ils ne rentabilisent pas. Est-ce que le budget est important pour le choix de vos livres ?
M. B. : Les poètes n’ont pas de chance et c’est valable pour les poètes du monde entier. La poésie n’est pas rentable, il faut des subventions et des mécènes. C’est dramatique de le dire, n’est-ce pas ? Il n’y a que dans les pays du Golfe où la poésie est valorisée, parce que cela fait partie d’une culture. Mais rassurer-vous, l’Anep publie avec plaisir les grands textes du shiîr el malhûn, puisque c’est notre patrimoine.
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