Une main pour mendier, une autre pour écrire…
L’ouvrage édité en juillet 2011 par les éditions Abdellatif (Alger), première œuvre littéraire de l’auteur, est également le premier volet d’une trilogie en gestation dont le tome 2 est sur le point d’être achevé. L’histoire de ce roman se situe à la limite du «réel» pour s’enfoncer au cœur même de cette toute nécessaire fiction, laquelle l’enveloppe et lui trace les véritables contours de son espace. A sa manière donc, il est ce purgatoire culturel, bien semblable à celui purement religieux, dont il n’est plus possible de revenir après à la réalité de la vie, des choses, tant les évènements dans l’imaginaire se succèdent, les rôles des acteurs se confondent, les choses complètement s’embrasent pour emballer dans le feu de l’action les héros du roman que sont Khalil, gardien du phare de son état, et Maria, mendiante de condition et écrivaine d’occasion ou de vocation. L’image qui accroche le lecteur est donc cette mendiante répondant au nom de Maria, assise au pied d’un immeuble de la rue Didouche Mourad au cœur d’Alger, scribouillant sur son brouillon de calepin des mots aussi durs que drus que Khalil, la découvrant par pur hasard dans le flux incessant de cette marée humaine que charrie à longueur de temps cette artère principale de la capitale d’Algérie, était comme soudain pris par «ce mal de curiosité» de découvrir à tout prix et par tous les moyens leur sens, leur profondeur, leur émotion, leur dimension… C’est d’ailleurs de là que commence pour lui et pour le lecteur ce fantastique voyage, pourtant long et éreintant, où seule la littérature peut mener son monde au travers de ses nombreuses intrigues et autres passions et pulsions, donnant au texte l’allure de cette passerelle obligatoire très favorable à l’expression du talent du narrateur-conteur qu’apprécie bien souvent le lecteur inspiré par sa romance, singulière et bien distinguée. C’est tout naturellement de l’image bien réelle de cette jeune
mendiante, belle et rebelle, instruite et bien intelligente, ne prêtant pas trop attention aux passants qui arrosaient son escarcelle de leurs nombreuses pièces de monnaie, avec comme seul cadre de vie son enfant Islem âgé de quatre ans bien accroché à ses épaules et le reste d’un plat à moitié consommé, que s’articule toute la charpente de la fiction, prenant le relais de la chose réelle, afin d’interpréter à son propre compte cette vie de mendiante que mène cette jeune femme nommée Maria.
De cet arrêt sur image remontent donc dans l’espace et le temps ces indices qui aideront à recomposer tout le puzzle de l’histoire de cette mendiante «plutôt instruite» qu’incarne à première vue Maria, stylo en main et calepin sur les genoux, au point de tirer dans son sillage et mirage à la fois Khalil, comme tous les lecteurs désireux de revenir dans le temps et les méandres labyrinthes de sa vie misérable, bien portée ou admirablement feintée, afin de mieux découvrir l’autre, sinon l’authentique personnage se dressant ou se cachant derrière les reliques, répliques, scripts ou haillons de cette femme qui fait la manche d’une façon un peu particulière, plutôt insolite et très désintéressée par les sous que lui procurait son métier d’un jour ou de toujours ! L’histoire de Maria est très emballante à connaître dans ses moindres recoins. Parfois bien choquante en certains endroits, passages ou séquences de sa vie, au regard de ces nombreux écueils et innombrables expéditions qui jalonnent sa vie pour lui faire découvrir à la fois et en série le foyer familial tranquille et bien douillet, le rapt et la capture propres à l’enlèvement et à la séquestration du sexe faible pour les besoins d’assouvir cet autre besoin bestial de certains énergumènes, la condition de «boniche» au sein même du foyer de son oncle paternel, et en fin de parcours la rue et ses nombreux dangers errants comme seul refuge de ces «sans domicile fixe !»
La rencontre de Khalil avec Maria, bien hasardeuse et improvisée, incite donc à faire ce tout nécessaire voyage afin de pouvoir réaliser d’autres rencontres, aussi vitales dans la vie de l’être humain, véhiculées au travers de l’impact de la religion avec son monde ou avec ses paires, la culture avec ses semblables en différents endroits ou continents, l’ordre social, le politique et autres aspects ou facteurs incontournables dans la vie en société. A telle enseigne que même les noms des personnages sont sciemment choisis pour faire vivre ensemble et partager entre eux les bienfaits de cet univers ici-bas des gens de différentes confessions, tendances politiques et classes sociales(…)
L’ivrEscQ : Votre profession de psychiatre vous a-t-elle dicté la thématique de votre ouvrage ?
Ali Lahrèche : La personnalité de l’être humain est constituée de plusieurs matériaux, de différentes étapes et nombreuses haltes, bien vérifiables dans le temps et dans l’espace. Et parmi tout cela, il y a le métier de l’auteur en dehors de l’art cursif, souvent en bonne place.
L. : Quel message transmet Maria, cette mendiante cultivée et bien instruite, en direction de la société, celle qui la rejette en particulier ?
A. L. : Depuis la fin du siècle dernier, nos valeurs sociétales se dégradent à une vitesse vertigineuse. C’est mon métier de psychiatre qui me le montre à chaque fois que j’ausculte le premier venu de mes clients. Nos valeurs sociétales ont aujourd’hui un lien avec leur apport matériel et se désintéressent complètement de l’apport culturel et immatériel. La femme est donc cette cible la plus facile pour tout supporter de ce mal de société où l’égoïsme et l’exclusion de l’autre, à la limite parfois du crime, sont donc élevés, malheureusement, au rang de ces «qualités humaines nouvelles».
L. : Vous êtes donc pour une société où il y aurait plus d’humanité, plus de valeurs nobles, je veux dire ?
A. L. : Absolument ! C’est ce qui manque à notre société qui se trouve être minée de toutes parts. Maria est donc un exemple d’échec patent d’une société en net décalage avec son temps. Son cas n’est pas isolé. La décennie noire ou rouge, selon le cas, qu’a traversée le pays, nous renvoie même à présent toute une bonne fournée de cas bien semblables, très présents dans notre environnement, le plus rapproché parfois. Je crois que mon livre constitue ce cri de détresse afin d’éveiller les bonnes consciences.
Propos recueillis par Bendaoued S.
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2 Réponses pour cet article
il me faut ce roman . pour découvrire l’écrivain
Ali LAHRECHE,un brave homme qui nous donne un espoir,un savoir , un pouvoir et une nouvelle page de vie… à suivre.
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