Une fierté ancestrale portée comme un flambeau par Taos Amrouche
L’ivrEscQ : Après Dib, Mammeri, Feraoun, vous ressortez Taos Amrouche, grande cantatrice de la chanson berbère, mais surtout une écrivaine à son actif quatre romans ayant marqué son temps. Pourquoi Taos Amrouche ?
Djoher Amhis-Ouksel : D’abord, je fais la promotion de la lecture, comme vous le savez, la littérature algérienne reste parfois méconnue par nos jeunes, et dieu seul sait qu’elle est riche et mérite d’être rappelée. Taos Amrouche appartient à notre patrimoine littéraire, c’est aussi pour montrer l’absence de tolérance. Le mot « tolérer » me gêne, je ne l’aime pas d’ailleurs. Les Amrouche n’ont pas choisi d’être chrétiens, car si la mère de Fadhma Amrouche avait été soutenue par le clan, et si elle n’avait pas été victime du clan patriarcal, elle serait probablement de la même confession que ses semblables ; seulement, il se trouve qu’elle était tiraillée parce qu’elle avait choisi de mener sa vie comme elle l’entendait. Et la naissance de sa fille, Fadhma, après son veuvage, est une lourde tare. On n’a qu’à lire l’ouvrage de Fadhma Aïth Mansour Amrouche Histoire de ma vie pour comprendre cette grande femme de l’époque qui a tenu tête, et qui n’a pas accepté la loi du clan. Elle a fait appel à la loi française. Et c’est là où elle avait été influencée par le christianisme, d’ailleurs, parfois même désabusée par cette même religion.
L. : D’ailleurs, lorsqu’on parle d’un des Amrouche : Fadhma Mansour Amrouche, Jean Amourouche nommé El Mouhoub, Marguerite ou Taos Amrouche, le trio s’impose de facto…
D. A. O. : Dans notre patrimoine littéraire, les Amrouches sont des figures emblématiques. La mère a eu un destin, lorsqu’elle était enfant, des plus injustes par la cruauté du groupe. Plus tard, ses deux enfants, en exil, n’ont pas eu la vie simple… En fait, j’ai toujours travaillé sur les Amrouche, j’ai commencé en 1990. J’ai tenu à faire connaître la poésie de Jean Amrouche, je voulais aussi comprendre le rapport entre Jean et Taos, des relations parfois tendues entre frère et sœur. Il y a eu des périodes de fâcheries. Jean avait peur que Taos lui fasse de l’ombre mais lorsqu’il commençait à comprendre que sa sœur a pris son envol, et était autonome, il admettait et reconnaissait son talent, son prestige. Il se sentait dépossédé de l’aura de l’aîné. Vous savez, je suis fascinée par la forte personnalité de ce trio, rappelez-vous dans La rue des Tambourins, la grand-mère était fière de ses racines, de sa tribu et de son origine, et quand le fils allait épouser une sicilienne, la mère lui dit, « nous sommes une grande famille, avons-nous tué pour épouser n’importe qui… ». En réalité, les gens de cette époque ont tellement enduré qu’ils ont atteint une capacité de résistance.
L. : Le titre L’Exil et la Mémoire, deux axes forts d’un destin de femme…
D. A. O. : L’exil a beaucoup perturbé les Amrouche ; et la mémoire, le besoin de revenir aux sources et aux traditions aussi. Les quatre romans de Taos Amrouche lorsqu’on les lit l’un après l’autre, ils se complètent par tant d’interrogations et tant de quêtes : elle s’interroge sur la Fouta de sa mère, la chéchia de son père (…)
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