Les convictions de Kateb Yacine concernant la question des langues sont claires et convaincantes. Il s’en est souvent expliqué, surtout après l’indépendance, lorsque l’arabisation voulue par le gouvernement algérien s’est faite aux dépens de l’arabe dialectal considéré comme une langue uniquement parlée, voire comme un vulgaire patois. Pour Kateb, il est monstrueux et dérisoire de s’adresser aux Algériens en arabe littéraire alors que, « à l’heure actuelle (1983) la langue que le peuple algérien parle et entend n’est pas l’arabe littéraire. Il a sa langue à lui, celle qu’il a faite. Il s’y reconnaît mieux et son génie y passe » (Entretien avec Hafid Gafaïti, Voix multiples, Alger, mars 1986).
Les combats de Kateb Yacine sont ceux de toute une vie et chacun d’eux détermine son attitude à tous égards. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la façon dont on vient de l’entendre s’exprimer n’est pas seulement une attitude politique. Elle est polémique, certes, mais parce qu’elle met en cause l’une de ses convictions les plus profondes, à savoir qu’on ne peut prétendre comprendre un peuple et le représenter si on ne parle pas sa langue maternelle, celle qui est consubstantielle à son être intime.
Le mot représenter renvoie à l’idée d’une représentation littéraire et Kateb parle en tant qu’écrivain mais aussi en tant que critique appréciant l’œuvre de ses confrères. Certains de ses jugements sont connus, sur Camus par exemple, mais on n’en a souvent retenu que des diatribes orales assez véhémentes, alors qu’il ne s’agit nullement d’humeur mais d’une argumentation tout à fait judicieuse, et fondée sur une comparaison d’un grand intérêt.
On dispose d’une intervention faite par Kateb Yacine après l’indépendance de l’Algérie, qu’on peut voir et entendre depuis 2010 grâce à une vidéo diffusée par Youtube (Website docflyte) que nous transcrivons dans ce numéro. Il y explique sa position à l’égard de Camus au moyen d’une comparaison avec l’écrivain américain Faulkner, évidemment au profit du second, à partir d’affirmations ou de constats qui sont incontestables. Il pense que cette comparaison devrait permettre aux Français de comprendre pourquoi on ne peut considérer Camus comme le grand (sinon l’unique) représentant de la littérature algérienne, l’accent devant évidemment être mis sur ce dernier mot.
C’est en écrivain et uniquement en écrivain que Kateb Yacine entend parler de ce sujet. Et pas seulement pour des raisons qu’on peut juger un peu anecdotiques, comme le fait que Faulkner et Camus ont tous deux reçu le prix Nobel, le premier en 1949 et le second en 1957. Il s’agit de rapprocher la manière dont Camus parle des Arabes d’Algérie et celle dont Faulkner parle ou fait parler les Noirs du sud des États-Unis, dans cet État du Mississipi qui a été son origine et son ancrage durant toute sa vie (1897-1962).
La différence est d’autant plus frappante qu’on aurait pu croire Faulkner encore plus éloigné des Noirs que Camus ne l’était des Arabes, en ce sens que Faulkner était issu d’un milieu social (hommes d’affaires et de loi) très supérieur à celui de Camus, des plus modestes comme on sait. Mais c’est de littérature qu’il s’agit et pas de milieu social. C’est pourquoi Kateb Yacine s’appuie sur deux œuvres romanesques, le célèbre L’Étranger de Camus (1942) et Lumière d’août de Faulkner (1932). L’une et l’autre mettent en scène, dans ses effets criminels, ce qu’on pourrait appeler le racisme ordinaire inhérent aux situations évoquées
Les convictions de Kateb Yacine concernant la question des langues sont claires et convaincantes. Il s’en est souvent expliqué, surtout après l’indépendance, lorsque l’arabisation voulue par le gouvernement algérien s’est faite aux dépens de l’arabe dialectal considéré comme une langue uniquement parlée, voire comme un vulgaire patois. Pour Kateb, il est monstrueux et dérisoire de s’adresser aux Algériens en arabe littéraire alors que, « à l’heure actuelle (1983) la langue que le peuple algérien parle et entend n’est pas l’arabe littéraire. Il a sa langue à lui, celle qu’il a faite. Il s’y reconnaît mieux et son génie y passe » (Entretien avec Hafid Gafaïti, Voix multiples, Alger, mars 1986).
Les combats de Kateb Yacine sont ceux de toute une vie et chacun d’eux détermine son attitude à tous égards. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la façon dont on vient de l’entendre s’exprimer n’est pas seulement une attitude politique. Elle est polémique, certes, mais parce qu’elle met en cause l’une de ses convictions les plus profondes, à savoir qu’on ne peut prétendre comprendre un peuple et le représenter si on ne parle pas sa langue maternelle, celle qui est consubstantielle à son être intime.
Le mot représenter renvoie à l’idée d’une représentation littéraire et Kateb parle en tant qu’écrivain mais aussi en tant que critique appréciant l’œuvre de ses confrères. Certains de ses jugements sont connus, sur Camus par exemple, mais on n’en a souvent retenu que des diatribes orales assez véhémentes, alors qu’il ne s’agit nullement d’humeur mais d’une argumentation tout à fait judicieuse, et fondée sur une comparaison d’un grand intérêt.
On dispose d’une intervention faite par Kateb Yacine après l’indépendance de l’Algérie, qu’on peut voir et entendre depuis 2010 grâce à une vidéo diffusée par Youtube (Website docflyte) que nous transcrivons dans ce numéro. Il y explique sa position à l’égard de Camus au moyen d’une comparaison avec l’écrivain américain Faulkner, évidemment au profit du second, à partir d’affirmations ou de constats qui sont incontestables. Il pense que cette comparaison devrait permettre aux Français de comprendre pourquoi on ne peut considérer Camus comme le grand (sinon l’unique) représentant de la littérature algérienne, l’accent devant évidemment être mis sur ce dernier mot.
C’est en écrivain et uniquement en écrivain que Kateb Yacine entend parler de ce sujet. Et pas seulement pour des raisons qu’on peut juger un peu anecdotiques, comme le fait que Faulkner et Camus ont tous deux reçu le prix Nobel, le premier en 1949 et le second en 1957. Il s’agit de rapprocher la manière dont Camus parle des Arabes d’Algérie et celle dont Faulkner parle ou fait parler les Noirs du sud des États-Unis, dans cet État du Mississipi qui a été son origine et son ancrage durant toute sa vie (1897-1962).
La différence est d’autant plus frappante qu’on aurait pu croire Faulkner encore plus éloigné des Noirs que Camus ne l’était des Arabes, en ce sens que Faulkner était issu d’un milieu social (hommes d’affaires et de loi) très supérieur à celui de Camus, des plus modestes comme on sait. Mais c’est de littérature qu’il s’agit et pas de milieu social. C’est pourquoi Kateb Yacine s’appuie sur deux œuvres romanesques, le célèbre L’Étranger de Camus (1942) et Lumière d’août de Faulkner (1932). L’une et l’autre mettent en scène, dans ses effets criminels, ce qu’on pourrait appeler le racisme ordinaire inhérent aux situations évoquées (…)
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