On sait qu’Albert Camus (1913-1960) ne laisse personne indifférent dans l’Algérie postcoloniale : publications de quelques unes de ses oeuvres ou des essais par des maisons d’éditions algériennes (*), articles dithyrambiques ou ouvertement hostiles dans la presse publique ou privé, etc. En cette année du centenaire de sa naissance (1913-2013), il convient d’établir un bilan rapide des informations et points de vue parus uniquement en 2012 pour se rendre de cette récurrente évidence : Camus reste encore honni ou adulé. En effet, la presse algérienne de langue française a poursuivi la réinvention, sinon la «révision», d’un auteur qui demeure envers et presque contre tous d’une certaine Algérie coloniale ou un «Algérien à part», selon sa propre expression. Côté coeur, l’événement a été l’inauguration officielle en janvier 2012 d’une plaque publique honorant le Prix Nobel. Côté raison d’un secret d’alcôve, on a ressassé tout le long de ce cinquantenaire de l’Indépendance la position de Camus pendant la guerre d’Algérie, avec un procès sans appel sur son sempiternel choix entre «la mère et la justice». Cette formule objet de tant de spéculations et de bavardages interprétatifs a été dite sur le fait et est à lire au premier degré car, en société méditerranéenne, qui n’a pas un respect vénéré pour sa mère car «Le Paradis est aux genoux des mères» et, en cas de conflit entre parties, ne dit-on pas «Que ta mère pleure et non la mienne !». Le président de la république Abdelaziz Bouteflika ne s’est pas trompé en l’approuvant, selon Jean Daniel (in Avec Camus comment résister à l’heure du temps, Paris, Gallimard, 2006, p. 140).
Exprimé par le professeur Denis Fadda (un natif de Annaba ex-Bône) lors d’un colloque à Perpignan consacré à Albert Camus et Kateb Yacine, repris par le quotidien El Watan (5 novembre 2007), le voeu de mettre une plaque commémorative dans la maison natale de Dréan (ex-Mondovi) du premier nommé n’a été exaucé qu’en 2012. C’est le quotidien Liberté (18 janvier 2012) qui, le premier, annonce la nouvelle dans sa rubrique «Radar», une pleine page de brèves plus ou moins confidentielles ou originales, non signées et généralement éloignées du «politiquement correct». Si l’intitulé de l’information paraît quelconque («Une plaque commémorative sera dévoilée pour l’occasion, La maison natale de Camus revisitée»), son contenu se trouve des plus révélateurs. En effet, l’incipit est fort enrichissant : «La maison qui a vu naître le grand écrivain algérien Albert Camus, prix Nobel de littérature, va sortir de l’anonymat». D’ores et déjà, une première note est à retenir : il est en effet rare de souligner – en dehors du monde des lettres – l’algérianité juridique, sentimentale ou idéologique de Camus en Algérie indépendante tant le Prix Nobel (résume succinctement Le Point, Paris, n° 2053, 23 janvier 2012, lequel redonne l’information), est «controversé en Algérie pour ne pas avoir pris position en faveur de l’indépendance de l’ancienne colonie française».
Une seconde observation s’impose et porte sur l’authenticité de cette «maison natale». Tous les camusiens savent que Camus, s’il est inscrit dans les registres de l’état-civil de Mondovi, n’est pas né au chef-lieu de cette commune mais à 10 km de sa zone rurale, à la ferme du Chapeau de Gendarme attenante au centre agricole de Saint-Paul, deux localités aujourd’hui greffées et dénommées Chbaïta. Aussi, il semble fort peu probable que la maison qui porte sur son frontispice cette plaque avec l’inscription «ICI EST NÉ ALBERT CAMUS PRIX NOBEL DE LITTÉRATURE LE 7 NOVEMBRE 1913» soit celle où Camus est venu au monde.
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