Un 1er Novembre 1954. Une date. Des sillons du temps. Des rides de l’Algérie. La fin d’une malvie. Le commencement d’une gestion. Une attente qui apporte ses fruits. Oui ! Une attente de sept ans de luttes sans merci. La mort se conjuguait aux pouls de nos Algériens. Ah ! Si seulement nos villes, nos villages, nos djebels, nos compagnes, nos Aurès pouvaient narrer le sceau des grandes vertus et les facultés de nos hommes et nos femmes, de nos Algériens et Algériennes. Leur foi en la justice, en soi, en Dieu, en notre algérianité les a animés de l’intérieur. L’idée de l’indépendance était encrée dans leur âme. Ils ne voulaient plus être vilipendés, méprisés par les colons. Ils n’étaient plus des êtres inférieurs ; l’injustice fomente irrévocablement le self défense. Ils sont les moudjahidine, les moudjahidate, les fatma, les mouquères, les rebelles, les hors-la-loi, les bandits, les malfaiteurs, les gueux, les miséreux, les fellagas, les indigènes… Ils sont, surtout, notre gloire, les fondateurs de notre Nation indépendante. à ce jour, l’histoire n’arrive pas à débroussailler le méli-mélo de ces sept ans de Guerre. Tant de livres sont écrits. Tant de témoignages des maux enfouis, tantôt muselés, tantôt exposés racontent cette plaie encore ouverte, cette cruauté. Ils reportent le mal du colonialisme, de certains tyrans sans pitié, sans aucune once de bonté dans leur cœur. Ils détaillent la lutte. Le sang. Les geôles. Le mal. La torture. Le combat. La supériorité des armes triomphantes sur des serfs en haillon. Parfois même la veulerie, la faiblesse, la versatilité de certains qui vendent une cause juste au prix d’une bouchée de pain, comme l’a exprimé Mohand Zeggagh dans son ouvrage… mais madame la France est chassée de notre Sol. Le nôtre. Elle est rentrée chez elle défaite, le dos voûté par l’irréparable d’un calendrier qui échappe aux spéculations humaines. Novembre a bien rendu à César ce qui appartient à César. L’Algérie est libre. Indépendante au prix des vies de ses hommes et de ses femmes.
Dans ce numéro de L’ivrEscQ, Mohand Zeggagh raconte l’injustice des prisons françaises sur les détenus du FLN pendant la Guerre d’Algérie 1954-1962. Il est un de ces acteurs. Dans l’entretien accordé à notre dossier du 1er Novembre, il décrit l’horreur qui n’a pas de nom. Comme à chaque fois, on ressent ce fort désir de vouloir tourner la page sans toutefois la déchirer, mais la réalité nous devance. Le passé demeure là. Socle de notre culture. Je me fixe à cet épilogue du livre dont il est question : «il est indécent de chercher dans les coins où gît le diable quelques stupides bienfaits de la colonisation et de laisser les nostalgiques de l’Algérie française instrumentaliser l’ignorance des nouvelles générations. Il faut reconnaître la torture systématique et massive dont on souffert des milliers d’Algériens, les disparitions, en réalité les assassinats de plusieurs dizaines de milliers de prisonniers, d’internés et de simples suspects que l’on a jamais retrouvés.» Malgré l’envie ici et là de vouloir la tourner, cette page, l’histoire saigne de l’encre noire dans des livres et des livres comme celui du général Aussaresses Je n’ai pas tout dit, Ed. du Rocher qui traite des mêmes sujets. Dans son ouvrage, selon les anciens prisonniers, la repentance ou le pardon dont parlent certains dirigeants français, ne pèse rien au regard de l’histoire, si les faits réels et les vérités sur les pertes humaines et les tortures ne sont toujours pas entièrement reconnus.
Face à ce magma, les Algériens doivent s’unir autour de cette date par un examen de conscience. Mohand Zeggagh, self made man engagé dès l’âge de seize ans comme l’a décrit Mohammed Harbi, donne une bonne leçon sur ces chassés-croisés de notre contrée. Sommes-nous encore capables de continuer de fixer ces pays riches comme la France et les faire rougir comme naguère ? L’exemplarité de Novembre ne peut refléter notre dignité qu’en s’éloignant de l’appétit personnel qui est la mesure du mal plus que du bien. Donc, à nous de revoir nos cahiers des charges par ces recueils des faits, par l’histoire.
Sans nous lasser… Novembre, une mémoire. On ne ressuscite pas ceux qui reposent en paix, mais les Chouhada se retourneront dans leur tombe si nous faillirons à notre cause, à notre Nation, à notre Algérie. Ces immortels-là, veillent sur leur terre. Ils ont gravé un 1er Novembre. Une angoisse existentielle.
Bonne délectation livresque!
n.sebkhi@livrescq.com
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