L’ivrEscQ : Dans votre dernier roman, il me semble que l’auteur ne veut pas grandir…
Alain Mabanckou (rires) : Dans Demain, j’aurai vingt ans, je voulais montrer un peu une génération de la société africaine à une période déterminée de la vie d’un individu et de l’histoire de son pays, et de l’ Afrique.
L. : À quelle époque ?
A. M. : Les années 1970 et 1980. À cette époque, on venait en Algérie pour faire médecine, pour être ingénieur, même le domaine militaire était concerné.
L. : Alger était alors «la Mecque des révolutionnaires» ?
A. M. : Voilà, c’est cela. C’est pour cette raison qu’il y a, dans ce roman, un personnage algérien. Il s’appelle Lounes et habite Kouba.
L. : Vous venez de soulever une grande interrogation… silencieuse dans mon pays. Mais les étrangers qui nous rendent visite se demandent pourquoi l’Algérie n’a pas capitalisé son passé révolutionnaire : je parle de l’Algérie officielle. Castro et Guevara nous rendaient visite, le général Giap aussi ; Eldridge Cleaver s’est établi à Alger ; Mandela a fait ses premières armes dans les montagnes algériennes. Qu’avez-vous fait de votre histoire ? nous demandent les étrangers…
A. M. : Bien sûr ! C’est parce que c’est une Histoire ! Quand j’étais petit, on allait à l’école et on chantait à la gloire de Ben Bella et de Mehdi Benbarka. Pour nous, l’Algérie était la destination privilégiée. Pourquoi aller en Europe, pourquoi aller chercher ailleurs alors qu’on pouvait tout avoir en Algérie et au Maghreb : on formait des médecins, on formait des militaires, on formait tout. Il y avait d’étroites relations entre nous. C’était l’époque de Houari Boumediene. Je voulais mettre tout cela à l’intérieur du roman. Les Algériens qui liront Demain, j’aurai vingt ans, ils vont se reconnaître.
L. : Savez-vous que le dernier voyage de «Che» Guevara s’est effectué en Algérie ?
A. M. : Ça s’est passé en Algérie. Frantz Fanon est venu en Algérie. Pour l’Afrique, l’Algérie était l’unité de mesure de la révolution. Elle nous a montré comment braver une puissance coloniale. À ceux qui voulaient la mater, elle a dit non.
L. : C’est formidable qu’un Africain du Congo vienne réveiller la conscience historique et révolutionnaire des Algériens…
A. M. : Bien sûr ! Je suis allé trois, quatre fois en Algérie, et j’ai été étonné de constater que certains Algériens n’ont même pas conscience de l’importance de leur pays. Ce n’est pas l’Algérie que j’ai rêvée. Je me disais que c’était là qu’on devait aller. Il y avait deux épicentres en Afrique : l’Algérie et l’Egypte. C’étaient les deux premiers pays africains qui devaient se développer.(…)
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