Si l’on part du fait que Rachid Bouchareb est un cinéaste d’origine algérienne qui jusqu’à une date récente n’a eu que des préoccupations liées (de plus ou moins loin) à son continent d’origine — comme le prouvent ses films dont le plus célèbre est évidemment Indigènes (2006) —, on peut se demander ce qu’il en est de ce coefficient d’algérianité dont il est porteur dans son dernier film sorti en France en mai 2014, La voie de l’ennemi. Film qu’on peut dire à la fois américain et français, puisque, d’une part, l’histoire se passe dans l’État américain du Nouveau-Mexique, où le film a été tourné (principalement du côté d’Albuquerque) et a fait jouer deux grands acteurs américains parmi les plus connus, Forest Whitaker et Harvey Keitel, mais, d’autre part, s’appuie sur un scénario doublement français, inspiré du film de José Giovanni, Deux hommes dans la ville (1973) et écrit en collaboration par Rachid Bouchareb, Olivier Lorelle et Yasmina Khadra.
Si l’on ajoute à la distribution de La voie de l’ennemi la remarquable comédienne anglaise Brenda Blethyn, venue de Mike Leigh et tout à fait éminente dans le film de Bouchareb (avec lequel elle avait déjà tourné dans London River), on ne peut manquer d’être frappé par la diversité et la qualité de tous ceux que le réalisateur a convoqués pour son film, dont l’action justifie parfaitement le fait qu’il n’y ait pas d’acteur maghrébin, comme il l’a expliqué lui-même dans une interview pour RFI.
Cependant et pour aller d’emblée au plus évident (avant d’aller à ce qui l’est apparemment moins, mais de manière peut-être plus essentielle), le film se rattache par deux points à des préoccupations maghrébines et franco-maghrébines : la place qu’il fait, d’une part, à l’islam, et à l’immigration, d’autre part. Dans ce Nouveau-Mexique qui comme son nom l’indique est un État américain qui jouxte le Mexique voisin, les tentatives d’immigration clandestine sont incessantes, à tel point qu’un certain nombre de riverains américains, jugeant sans doute la politique officielle trop laxiste, agissent sous la forme de milices volontaires et non déclarées, en tant que vigilantes ou minutemen pour arrêter les migrants et les punir de leur tentative avec une grande violence. Le film rend certains faits évidents, il est moins clair à d’autres égards. Le shérif local Bill Agati, joué par Harvey Keitel, et dont on découvrira bien vite qu’il est un redoutable individu capable du pire, témoigne, néanmoins, d’une compassion surprenante à l’égard des immigrants et interdit aux milices de les pourchasser.
On croit comprendre que l’idée du réalisateur est qu’un même homme n’est jamais tout à fait bon ni tout à fait mauvais et peut donc présenter des aspects qui semblent contradictoires. Il a, sans doute, là, une vérité à ne pas oublier, et où l’on peut voir un signe d’une pensée humaniste chez Rachid Bouchareb, reste que la manière dont il présente les faits rend le personnage incompréhensible et incohérent, en dépit du talent tout à fait saisissant d’Harvey Keitel, dans un rôle où l’on retrouve son personnage de Bad Lieutenant dans le film d’Abel Ferrara (1992). L’acharnement véritablement pervers du shérif contre le héros joué par Forest Whitaker est de toute manière insuffisamment expliqué et le shérif n’est certainement pas le meilleur personnage du film.(…)
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