Romantisme du XXIe siècle ?
«Le hasard est le plus grand des romanciers au monde», disait Balzac. Dans mes derniers romans, les questions liées à l’environnement et à l’écologie sont soulevées avec constance, préoccupations dont je n’irais pas jusqu’à dire que leur récurrence est une simple affaire de hasard. Chez l’écrivain, les retours à l’enfance et à l’adolescence, domaines qu’il creuse sans relâche, sont l’occasion de redécouvrir, voire de recréer, les lieux et les endroits qu’il transfigure en mythes, de Makondo chez Marquez à l’imprononçable toponyme chez Faulkner. Qu’elles soient réelles ou imaginées, les histoires de l’écrivain créent des lieux. Ces lieux, en ce qui me concerne, sont d’abord des sites naturels, ou à proximité d’un environnement situés dans un temps végétal, avant leur disparition du fait de l’urbanisation fiévreuse que connaît notre pays et de l’étendue des atteintes à l’environnement qui torturent les yeux.
Ce qui relève du hasard, ce sont les voyages dans les contrées asiatiques où j’ai pu me rendre compte combien la nature tient une place centrale dans la littérature, que j’ai pu lire dans sa traduction en anglais essentiellement. La nature même dans sa plus minime expression, comme une touffe d’herbe, une fleur, un fruit ou un arbre, ou une souris. Ou dans ses autres manifestations comme la pluie, le vent, la forêt. Si dans la littérature européenne et occidentale, la ville est le lieu par excellence de la narration, en Asie, ce rôle est tenu par la nature. Elle est présente dans les contenus, elle l’est également dans les formes. En particulier dans le recours sans retenue aux images et métaphores puisées des inépuisables filons naturels que sont les bois, les rivières, les fleurs et les arbres, les animaux et les éléments. En termes, si vous voulez, de métaphorisé, ce que l’Europe qualifie de gongorisme et préciosité, soit la profusion d’images, les écrivains de l’Asie s’en donnent à cœur joie.
Un dramaturge japonais a observé que tout roman à succès qui a conquis l’appréciation des lecteurs possède au moins un vers ou paragraphe qui s’est profondément imprimé dans l’esprit du lecteur, et que ce vers phrase ou paragraphe mémorable a toujours un lien avec la nature.
J’aimerais prendre en exemple, de la littérature japonaise, le roman de Matsuura Hisaki Light on the river (Lumière sur la rivière), où le personnage principal est un animal. Le roman s’ouvre sur une famille de souris qui vit sur la berge d’un fleuve, mais doit déménager car des humains ont entamé des travaux sur la berge afin de canaliser le fleuve dans une trajectoire rectiligne.
Au fil des aventures de cette famille animalière forcée à l’exil, un chien apparaît, puis un chat, puis une taupe et ainsi de suite. L’auteur semble saisi d’une véritable jubilation narrative. Son roman a eu un succès considérable, il a été adapté en feuilleton à la télé. On ne peut prétendre que la littérature puisse être un facteur de changement social, encore moins politique, tout au plus peut-elle participer à l’éveil de la conscience avec ses armes, les mots. Force est de constater, cependant, que le Japon s’est bel et bien concrètement engagé ces derniers temps à redonner aux fleuves du pays leurs courbure et sinuosité originelles, autrement dit à dé-bétonner les rives des fleuves et permettre ainsi une libre circulation des eaux naturelles. Incidemment, en 1962, le livre de Rachel Carson, Silent Spring (Printemps silencieux), alerta l’opinion sur les effets nuisibles des pesticides sur la chaîne alimentaire. Il déclencha d’intenses campagnes, d’où émergèrent les premiers partis verts.(…)
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