Mouloud Feraoun, un écrivain engagé
(Actes Sud, 2013)
L’ivrEscQ : Comment avez-vous reçu les critiques assez véhémentes suscitées par cet essai ?
José Lenzini : Nous sommes là au cœur d’une ambiguïté qui perdure depuis des décennies. Entre l’écrivain du terroir et l’homme de l’atermoiement politique, certains, qui ne sont pas toujours les mêmes, se complaisent à vouloir déprécier la vie et l’œuvre de cet écrivain majeur. Ils rongent leur os et développent des théories qui ne résistent pas à la réalité… Quant aux attaques dont j’ai été l’objet, elles portent généralement sur 4 à 5 pages de ce livre qui en compte près de 400. Une approche très sélective, un peu trop dogmatique et sans autre objet que celui de fustiger. Comme disait Camus, «la bêtise insiste toujours…». Qu’un spécialiste de Camus puisse s’intéresser à Feraoun, voilà qui paraît confiner au sacrilège. Que ce quidam ne soit pas algérien de nationalité (même s’il l’est de naissance, de cœur et d’histoire), voilà qui est insupportable. Faute de dire les choses clairement, ces zélateurs se cachent derrière de creuses argumentations faute d’avoir le courage de dire l’aigreur sans fard. Curieusement, ils paraissent s’intéresser plus à la mort qu’à la vie de Feraoun… Comme si celle-ci leur permettait d’occulter celle-là !
L. : Le dilemme feraounien, dites-vous, est le savoir ou l’Histoire. N’a-t-il pas lié les deux ?
J. L. : Les réalités historiques, sociologiques ou économiques… Feraoun les connaît parfaitement. Il en sait les portées et les conséquences. En même temps, celui qui peut écrire parce qu’il a appris, celui qui utilise la langue de la colonisation pour être lu et compris du plus grand nombre… Ce Feraoun sait mieux que quiconque le poids des mots, la nécessité de les savoir pour argumenter, comprendre, se défendre. Il est avant tout instituteur et sait que ce métier n’est pas seulement celui de l’apprentissage d’une langue mais également d’une pensée. En même temps, il garde au fond de lui, un attachement libertaire à la vie, à l’homme. Il se comporte en penseur autant qu’en journaliste dans son Journal, où il cherche la vérité au fil des faits et des anecdotes, des exactions et des débordements. Pour autant, il reste vigilant à ne pas favoriser une vérité au détriment d’une autre. Son aspiration indéniable à l’indépendance se fait dans ce courage qui consiste à garder les yeux ouverts sur le soleil et sur ses ombres… quels que soient leurs territoires.(…)
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