Les neuf jours de l’inspecteur Salaheddine
de Mohamed Dorbhan
préface d’Abdelmadjid Kaouah (Éditions Arak, février 2011)
Achevé le 14 juillet 1989 à Alger, ce roman circulaire, qui peut se lire dans tous les sens, voit le jour aux Editions Arak en février 2011. En 1996, son livre toujours en chantier, Mohamed Dorbhan périt dans l’attentat terroriste qui a visé la maison de la presse Tahar-Djaout. Le héros de ce récit jubilatoire est un inspecteur de police, Salaheddine Djoudi, du nom de l’intrépide guerrier des croisades, Saladin. Ce Don Quichotte des temps modernes, farfelu, débonnaire, tient d’un aïeul sulfureux qui, pour avoir commis un crime, est déporté en Calédonie d’où il fait la belle, enjambant les crocodiles des marécages, emportant son piano à queue des fastes temps andalous et qui échoue enfin dans les larges océaniques. Instruit sur une disparition d’un bus avec ses passagers, un matin aux aurores, par son commissaire, prétendument ancien soldat des rizières indochinoises et des maquis de 1954, dont l’épouse a mis les voiles au moment de sa nomination à ce poste, Salaheddine Djoudi n’a aucune piste sur le voleur d’autobus. Il piste le soi-disant amant de son épouse depuis que, un soir, revenu de ses libations éthyliques au Minotaure, une maison close aux rêves chimériques, sur laquelle règne Aïcha la Tueuse, la tatouée, la sulfureuse, aux seins pimentés, aux senteurs de cannelle, la jumelle littéraire de Nedjma. Il trouve sur le frigo de sa cuisine un ticket de bus, probablement celui du trolley disparu, près d’«un livre oublié là, sur ce frigo vert pâle qui ressemblait à une note de folie. C’était Nedjma, le livre des fous».
Comme le quatuor katébien dans un pays en chantier, Salaheddine, «la mémoire en feu» héritée de son flibustier de grand-père, entreprend, dans un vertige éthylique, comme «policier littéraire», une investigation intertextuelle, mythologique et historique dans les dédales d’une ville jamais nommée mais si reconnaissable par les toponymes des quartiers ensoleillés de ses hauteurs. De chaque lieu de la cité, surgit soit une procession truculente de saints «… Le minaret de Sidi Abderrahmane surgit de derrière les murs et lui, il imaginait la tremblotante lumière des cierges, des odeurs d’encens et de cire brûlés près des tombeaux de Sidi Mansour, de Sidi Hassen, de Sidi Mhamed Ben Abderrahmane, de Sidi Boudj, de Sidi Boudouma, de Sidi Ouadhah et de Sidi Ouali Dada qu’un jour la légende associa à Sidi Berka et à Sidi Bouguedour dans la débâcle de Charles Quint…» soit un télescopage entre deux femmes gémellaires irrédentes, Aïcha et Nedjma, et un continuum de traîtrise et de bourreaux, de la Berbérie ancienne à l’Algérie d’Octobre 88 en passant par le règne colonial :
«Il rêva de Aïcha. Il rêva de Nedjma. (…)… Kahina revenait à bride abattue tandis que la ville devenait un champ de bataille, tandis que Ben Allel rejetait dédaigneusement l’offre de Bugeaud,… tandis que Jugurtha, à cause d’un traître, mourait dans d’affreux supplices, tandis qu’un exécuteur assassinait Ben M’hidi, tandis que, quelque part, dans les geôles de Lambèse ou d’El Harrach, on torturait en silence, tandis que lui, à cause de tout cela, perdait la tête.»(…)
Suite de l’article dans la version papier
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