Damian Berrio le Morisque à Blida
Dans «Un parfum de vie», Adriana Lassel continue son exploration littéraire du passé tragique et prestigieux des Andalous d’Espagne entamée avec sa saga Luckas Le Morisque.
Un parfum de vie. jumelle une passion d’amour et une passion pour la littérature écrite des Morisques.
Le protagoniste, Sadek Benmeur, être complexe, entre dans le roman quelque peu désabusé par le cours de l’histoire de son pays et de sa vie personnelle. Une seule flamme l’anime, comme l’auteur d’ailleurs : la recherche sur la littérature aljamiado (de langue espagnole transcrite en caractère arabe), notamment les textes (lettres, carnets de voyage, journal intime) introduits à Alger par les Morisques chassés d’Espagne sous l’Inquisition.
Enseignant dans un lycée à Blida, ancienne ville d’origine andalouse, Sadek Benameur en cette fin des années 1960 où Blida était un «parfum de vie» rencontre Hayat (la vie, d’où le titre Un parfum de vie ?). Les rues de la ville des roses s’épanouissent de leur amour tout aussi clandestin que les manuscrits de la littérature aljamiado qui finissent par accaparer toute l’attention de Sadek au point où ce dernier disparaît de la vie de Hayat durant une vingtaine d’années. Quand il refait surface, fort de ses découvertes de lettres du Morisque Dahmane El Andaloussi, de son ancien nom Damian Berrio dans lesquels il raconte un épisode des migrations morisques à Alger et tous les malheurs subis par son peuple. Avec ce personnage, ami de Lucas, avec qui il retourne en Espagne, l’auteur établit un lien évident avec son précédent roman Luckas le Morisque.
Dahmane el Andaloussi reprend vie grâce aux recherches du professeur Sadek et il devient, entre Hayat et Sadek, un autre des protagonistes de ce roman puisqu’il prend la parole dans ses lettres. Le 16ème siècle et le 20ème siècle se côtoient, entre Dahmane el Andaloussi, alias Damian Berrio et Sadek Benameur qui, de retour à Blida, garde encore le parfum de Hayat. Il se met à sa recherche avec autant d’ardeur qu’il le fait pour les manuscrits de la littérature aljamiado. Mais les temps ne sont plus avenants. L’université qu’il retrouve est tombée en déshérence et ses anciens collègues ne manifestent plus l’enthousiasme qu’il leur a connu. Sur la ville plane les vautours. Le danger terroriste a fait se déserter la ville qu’il a connue avec Hayat pimpante et animée. Dans la tête de Sadek qui, toujours sur les traces de l’histoire morisque dont il a découvert la relation avec celle des Kouloughlis, trotte Hayat. Le récit apprend au lecteur que celle-ci après un mariage avec un Égyptien dont elle a eu un enfant au pays des Pharaons, divorce et rentre au pays avec son fils. Elle retourne dans la maison maternelle à Médéa, une région meurtrie par le terrorisme. Sadek retrouve ses traces. Il quitte précipitamment Blida et va la rejoindre. Même si l’auteur se défend de n’en établir aucun lien, le lecteur pourrait y voir une similitude à deux niveaux dans la fiction : d’abord, la passion et l’obstination qui anime Sadek Benameur pour retrouver les manuscrits de la littérature aljamiado et pour renouer avec Hayat. Puis, en filigrane du texte, dans le télescopage de la période des années mille six cent trente et celle des années 1990, le lecteur pourrait lire dans les lettres du Morisque la même Inquisition qui a ensanglanté le village de Hayat. Le roman s’ouvre avec la troisième personne puis, c’est le «je», l’univers intime de Sadek Benameur et de Dahmane el Andaloussi qui prennent la parole, qui assument donc leur histoire respective, se ressemblent, se rassemblent. C’est là, sans doute, que le récent, à ce niveau esthétique, prend ses marques et ses relief.
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