L’ivrEscQ : « La Maquisarde », c’est votre mère pendant la Guerre d’Algérie, vous ressortez son témoignage. Comment se fait cette révélation si douloureuse entre une mère et sa fille ?
Nora Hamdi : J’ai toujours écouté ma mère me parler de cette époque. Plus je l’écoute, plus je suis embarquée dans cette période douloureuse. Une période racontant la vie, le quotidien de nos parents, nos mères, la mienne. J’aborde la Guerre d’Algérie effectivement, c’est étrange ! Ce n’est pas facile, la gêne demeure et reste présente. Et pourtant, ça permet d’avancer ; à mon sens ne pas l’aborder est une forme de régression. L’intelligentsia parisienne est frileuse. Elle n’a pas dépassé cette gêne. Je veux que ce soit comme l’Allemagne qui a fait un travail avec la France, nous devons aller de l’avant, évoluer. Et puis « La Maquisarde », c’est le récit de ma propre mère, l’histoire de ma génitrice. Imaginez qu’elle parte avec ce lourd poids ! Le poids du silence ! Ces témoins de notre Guerre sont octogénaires et sont épuisés du passé. Il est de notre devoir de recueillir leurs témoignages. Comprendre enfin qui sommes-nous véritablement.
L. : En plus de la gêne de la part des intellectuels, c’est votre courage animé par le récit de votre mère, des femmes des montagnes illettrées réduites à des « bêtes » qui fait rougir plus d’un de ces fauteurs de faits historiques, ces autres qui font tache dans l’histoire… N.H. : Oh oui ! Vous savez, depuis ma tendre enfance, j’écris le courrier pour mes parents. C’est pesant de savoir qu’au 20ème siècle, l’illettrisme était là. De plus, savoir que mes parents sont analphabètes est dur à encaisser dans mon esprit d’Occidentale. Et dire qu’il est encore là où l’injustice règne, où la colonisation est destructrice. L’illettrisme doit être puni par les lois.
L. : Votre titre « La Maquisarde » en dit long et fait tilt dans nos esprits. Est-ce un choix de l’éditeur ou le vôtre ? Comment décide-ton d’un titre aussi poignant ? N.H. : D’abord, c’est le titre le plus juste. C’est plutôt mon choix. Tout mon ouvrage ressort ce titre, La Maquisarde. Maman et les femmes de ces mêmes conditions de Guerre étaient des héroïnes, des maquisardes. Elles avaient connu le maquis, la fuite, le camp, la résistance. Et puis, maman, cette jeune femme, avait juste un champ d’olivier et ses huit enfants. Quelle résistante ! Quelle maquisarde ! Et même plus tard, en France, ces mêmes femmes par ce qu’elles vivent, ces femmes de l’émigration résistent toujours. Je suis La Maquisarde dans ma condition de femme pour l’égalité entre l’homme et la femme. Maquisarde face à l’inégalité. Maquisarde pour libérer la parole des femmes, des enfants.
L. : Vous faites un travail important pour la France et l’Algérie, cette passerelle de toutes les
passions des « Je t’aime, moi non plus», une écriture engagée… N. H. : Effectivement, je zoome autant par l’écrit que par les caméras et cette envie d’avancer. C’est important, vital, comme je vous le disais. Vous savez, le fait d’écrire est un engagement. On se positionne dans la critique. Dans l’appréciation de l’autre. L’autre près à dégainer pour méjuger plus qu’à vous faciliter le monde. Je ne peux pas nier qui nous sommes. D’où nous venons ? Par conséquent, je suis une éponge qui prend tout pour me servir, servir le commun des quidams, servir l’humanisme tout simplement. Car, croyezmoi, ça craint la tournure où nous en sommes. Les politiques et les historiens, ne n’est pas suffisant pour le travail à faire. Les écrivains, les cinéastes doivent s’y atteler. Aussi, cela permet à mes deux pays qui sont miens, je les porte dans mon cœur de tourner la page pour un avenir très aisé, confortable où les deux pays peuvent se regarder dans le blanc des yeux.
L. : L’Algérie est votre pays d’origine, quel regard portezvous sur l’évolution des Algériennes ? Pensez-vous qu’elles sont porteuses de ce que nos mamans ont légué ou il y a à dire et à revoir ? N.H. : Je crains que la régression soit encore le lot des femmes algériennes, mais cette fois-ci une régression lettrée. Nous devons faire attention à ne pas tomber dans le piège de l’inégalité entre l’homme et la femme, je suppose que c’est la tâche la plus ardue. Je crois à l’émancipation de la femme par la pensée, par le combat d’être les gardiennes de ce que nos mères ont payé comme prix fort pour un pays indépendant. Parfois j’ai honte de parler du féminisme, mais devoir l’oblige, oui je suis féministe et humaniste par-dessus tout.
L. : Mot de la fin… N. H. : Je termine par ma propre exclamation. Vous savez, lorsque j’ai visité l’Algérie pour la première fois, j’avais l’impression que je connais tout de ce pays, même ses odeurs, ses ruelles, ses quartiers, sa casbah. Ma mère m’en a tellement bien parlé que je connaissais quasiment tout.
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