Intitulé Eléments pour un art nouveau suivi de Feuillets épars liés et Inédits (Alger, Barzakh, 2015, 262 p), l’ouvrage se veut une vaste compilation, essentiellement de deux recueils parus du vivant de l’artiste-essayiste, Eléments pour un art nouveau (1972) et Feuillets épars liés (1983). Au préalable, et sans en discuter les enjeux et présupposés, l’attention sur quelques observations d’ordre formel est à retenir. Ainsi, si Khadda a publié avec Anna Gréki (1931-1966) un catalogue intitulé Eléments pour un art nouveau (Alger, Galerie Pilote dirigée par Edmond Charlot, avril 1966), ce titre et son contenu n’ont rien de commun avec celui publié en 1972 par l’UNAP (et non la SNED comme indiqué par erreur). Le premier renferme successivement un texte de Gréki jamais reproduit (sauf partiellement dans un autre catalogue de la rétrospective de l’artiste au Musée national des Beaux arts, Alger 1-31 mars 1983) et un autre de Khadda jamais repris ni dans Eléments pour un art nouveau (édition de 1972) ni encore dans l’édition de Barzakh. Par ailleurs, cette dernière reproduit la version de 1972 avec des variantes de texte (jusqu’à dans la ponctuation) non signalées. Quant à l’édition originale de Feuillets épars liés (1983), notre ouvrage en corrige quelques scories (pagination, légende) tout en ajoutant quelques informations supplémentaires (un titre et une légende) qui ne sont pas également indiquées. conjoints. Dans le premier ensemble, Eléments pour un art nouveau, il se veut pédagogue de l’art algérien. A travers héritages et emprunts, il relève ses grands repères aux richesses graphiques insoupçonnées, des lointaines fresques du Tassili aux actuelles peintures murales berbères. Des idées novatrices émergent ça et là telle l’influence arabo musulmane sur l’abstraction géométrique, celle-ci étant d’une grande analogie ou similitude avec la peinture arabe du passé (arabesques, décorations florales, moucharabieh, volutes) qui s’interdisait relativement de reproduire le vivant. Quant au second ensemble, Feuillets épars liés, il est structuré en deux parties : les écrits d’avant 1983 et ceux publiés après cette date dans la presse ou figurant dans des catalogues. Khadda y retrace un itinéraire personnel qui croise l’art de ses pairs ou celui des poètes amis qui, tous à leur tour, témoignent de l’homme (dans une belle rubrique «Khadda vu par…», une longue liste nominative qu’il serait vain d’énumérer. Certes, Khadda se révèle le peintre des poètes en illustrant leurs œuvres (le premier fut Jean Sénac en 1964) et en les célébrant (Anna Gréki et Bachir Hadj-Ali, par exemple, chacun à deux reprises). D’un seul trait, il portraiture aussi des peintres débutants (Arezki Larbi, Rachid Koraïchi, etc.) ou reconnus (Abdallah Benanteur, M’Hamed Issiakhem, Denis Martinez, Mohamed Racim) non sans finesse ni en rapport avec l’hypertrophie idéologique de son temps. Car, faut-il le souligner davantage, Khadda –militant communiste – a cru aux certitudes (et servitudes) d’un «réalisme» dont il fallait circonscrire les multiples contours liés au «socialisme» ou à «l’imaginaire», d’autant que sa propre œuvre était profondément ancrée dans un terroir. Enfin, cet ouvrage nous apprend que Khadda, abusivement classé dans l’Ecole du Signe (l’expression est de Jean Sénac), a contesté en personne le groupe Aouchem (1967-1969), le premier à se revendiquer de cette appellation. Préfacée par sa veuve, disséminée par de beaux graphismes de l’artiste, c’est donc une œuvre utile et essentielle qui n’est pas prêt de s’effacer. Avec le recul du temps, un quart de siècle après son décès, Mohamed Khadda apparaît un acteur-témoin-artisan d’une étape artistique primordiale, allant de la fin du colonialisme à la métamorphose d’un Etat-Nation-Parti postcolonial. D’évidence, de part des textes, conférences et entretiens dont les échos et résonances subsistent, il doit être attendu comme un contributeur, sinon un historien d’une Histoire de l’art algérien qui reste à écrire.
Hamid NACER-KHODJA
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