A peine entame-t-on La Porte de la mer, le dernier roman de Youcef Zirem, qu’une onde de choc parcourt notre corps et soulève notre coeur. Le ma-laise ! L’horreur ! Une scène de vio-lence extrême nous prend à la gorge et masque notre vue. Dans un lieu reculé, loin de la ville et de sa foule terrorisée par la violence qui s’est enracinée dans la vie quotidienne de tout un chacun, une jeune femme est violée par son père ! «J’étais presque hypnotisée et ne lui opposai aucune résistance. Il me fit allonger sur l’herbe sèche et se retrouva sur moi. Au bout de quelques minutes, il poussa un affreux cri de jouissance et je sentis couler le sang dégagé par mon hymen», témoigne Amina, la protagoniste de cette histoire qui nous montre une société sous les feux de la violence, de la répression et de la terreur.
Qu’est ce qui a motivé l’action de ce père qui s’est laissé enliser dans les sables mouvants de l’intégrisme reli-gieux ? Comment cet homme jadis aimant avec sa femme, tendre et pro-tecteur à l’égard de ses enfants, est-il devenu le violeur de sa propre fille ?
Que se passa-t-il après le viol ? La pauvre fille meurtrie dans sa chair, s’est-elle remise du traumatisme de cette violence intrafamiliale qui habituellement est reléguée dans la sphère du non-dit et du tabou ? Est-elle parvenue à se reconstruire dans «la grande furie d’Alger», «ce terri-toire de haine et de mensonge» où «le conflit armé prenait des proportions alarmantes» ? A-t-elle gardé l’enfant qui est à la fois son fils et son frère ?
La Porte de la mer, ce roman qui mêle l’espoir au désespoir nous pro-pulse en Algérie ; il nous entraîne en pleine décennie noire. C’est le temps de la guerre civile, cette période où tout est sens dessus-dessous ; où la violence sévit ; la colère gronde ; les hommes tuent ; le peuple se meurt, et les femmes -surtout les femmes-payent le lourd tribut.
Et dans cette ambiance de perte de repères et de chaos, la priorité va à la survie car il faut vivre coûte que coûte, par n’importe quels moyens ; l’important étant de ne pas tomber sous les balles assassines ; l’urgence est de se frayer son propre chemin pour ne pas suc-comber à la folie qui guette sous l’oeil bienveillant de ceux qui protègent et engraissent les terroristes. «L’impu-nité était garantie pour ces tueurs qui savaient à l’avance, que plus tard, une amnésie serait décrétée et effacerait à jamais leurs méfaits», raconte Amina.
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