Gisèle Halimi avocate, militante féministe et femme politique franco-tunisienne née le 27 juillet 1927, elle décède le 28 juillet 2020. L’avocate de renom, qui a défendu des militants FLN pendant la guerre d’Algérie et s’est battue pour la libéralisation de l’avortement et la criminalisation du viol, est morte à l’âge de 93 ans. Elle raconte dans La Cause des femmes (Grasset, 1974), son père navré d’avoir une fille qui n’avouera sa naissance à ses amis qu’à des semaines après. Quant à sa relation avec sa mère, elle n’était pas toujours simple, révélée dans Le Lait de l’oranger (Gallimard, 1988). Seul le combat permet d’exister quand on est fille, quand on est femme, quand on est humain. « J’étais l’inessentielle. Toute l’attention était focalisée sur mon frère aîné, l’essentiel, qui passait son temps entre colles, mensonges, zéros pointés et renvois. Ce qui rendait fou mon père, qui hurlait et tabassait mon frère lors de scènes d’une violence insensée. Tout l’espoir de la famille y compris nous sortir de la pauvreté reposait sur ce fils aîné pour lequel mes parents étaient prêts à tous les sacrifices. Moi, en revanche, je ne devais pas leur coûter un sou. Ma mère ne voyait d’ailleurs pas l’utilité d’investir dans mon éducation. » (1) Mère de Trois fils – dont Serge Halimi, directeur de la rédaction du Monde diplomatique-, et pas de fille pour la relève de son combat, elle aura, avec sa petite-fille, une forte relation qu’elle décrit dans Histoire d’une passion (Plon, 2011), son dernier livre publié ». Dans plusieurs de ses interventions, elle confiera qu’elle aurait aimé avoir une fille pour mettre à l’épreuve son engagement féministe. Elle aurait voulu savoir si, en l’élevant, elle allait se conformer exactement à ce qu’elle avait revendiqué, à la fois pour elle et pour toutes les femmes. La nonagénaire s’étonnait encore que les injustices faites aux femmes ne suscitent pas une révolte générale. «Je suis encore surprise que les injustices faites aux femmes ne suscitent pas une révolte générale (…) Quand les femmes comprendront-elles que leur union leur donnerait une force fabuleuse ? Désunies, elles sont vulnérables. Mais, ensemble, elles représentent une force de création extraordinaire. Une force capable de chambouler le monde, sa culture, son organisation, en le rendant plus harmonieux. Les femmes sont folles de ne pas se faire confiance, et les hommes sont fous de se priver de leur apport. J’attends toujours la grande révolution des mentalités. » (2)
Gisèle Halimi est attachée à la Tunisie, elle y est régulièrement retournée et, à Paris, elle aimait cuisiner, pour ses amis, des plats tunisiens. L’avocate, femme politique et écrivain Gisèle Halimi, qui a consacré sa vie à la cause des femmes et au droit à l’avortement. Fondatrice en 1971 avec Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir de l’association pour le droit à l’avortement « Choisir la cause des femmes », elle est la même année l’une des signataires du célèbre manifeste des 343 femmes disant publiquement avoir avorté. Élue députée de l’Isère (apparentée PS) en 1981, elle poursuit son combat à l’Assemblée, cette fois-ci pour le remboursement de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), finalement voté en 1982. Avocate engagée, elle se fait notamment connaître lors du procès emblématique de Bobigny, en 1972, où elle défend une mineure jugée pour avoir avorté suite à un viol. Elle obtient la relaxe de la jeune femme et parvient à mobiliser l’opinion, ouvrant la voie à la dépénalisation de l’avortement, début 1975, avec la loi Veil. Parallèlement à sa carrière d’avocate, elle a mené une carrière d’écrivain. Parmi sa quinzaine de titres, figurent « Djamila Boupacha » (1962), du nom d’une militante emblématique du FLN. « J’étais assurément considérée comme une « traîtresse à la France » par les militaires et tenants de l’Algérie française. Il y avait des crachats, des huées, des insultes et des coups à l’arrivée au tribunal. Des coups de fil nocturnes « tu ferais mieux de t’occuper de tes gosses, salope ! », des menaces de plastiquage de mon appartement et des petits cercueils envoyés par la poste. Je n’y ai longtemps vu que gesticulations et tentatives d’intimidation, jusqu’à l’assassinat, à Alger, de deux confrères très proches, puis la réception, en 1961, d’un papier à en-tête de l’OAS [Organisation de l’armée secrète, pour le maintien de la France en Algérie] qui annonçait ma condamnation à mort en donnant ordre à chaque militant de m’abattre « immédiatement » et « en tous lieux ». Je n’ai jamais eu peur. Sauf une nuit, au centre de torture du Casino de la Corniche, à Alger, où l’on m’avait jetée et où j’ai pensé avec culpabilité à mes fils de 3 et 6 ans, m’attendant à être exécutée… » (3) Le nom de Gisèle Halimi est lié à Dajmila Boupacha et en encore à une autre figure emblématique du combat Kahina. Son histoire façonnée de faits et de mythes se tissant à travers le temps. Ainsi la plume de Gisèle Halimi est insufflée par la force de Kahina dans ses luttes et son perpétuel combat. Kahina succéda à son père, Kusayla, elle lui reprit des mains le flambeau de la résistance et parvînt à réunifier les tribus de l’Ifriqiya : Reine guerrière, elle mena les Berbères au combat contre l’envahisseur omeyyade. Fière sur sa monture, le corps drapé dans une tunique rouge, la longue chevelure couleur de miel lui tombant jusqu’aux reins, elle infligea une lourde défaite aux troupes du Général Hassan, retardant de cinq ans la conquête arabe. Finalement vaincue, sa tête fut tranchée dans l’Amphithéâtre d’ElJem, dit-on, et envoyée au Calife musulman. L’histoire façonnée de faits et de mythes se tissent. Ainsi la plume de Gisèle Halimi est insufflée par la force de Kahina dans ses luttes et son perpétuel combat.
La rédaction
Gisèle Halimi, une des personnalités marquantes du féminisme, a toujours rêvé d’avoir une fille. Dans son livre peut-être le plus personnel, elle raconte sa passion pour sa petite-fille, qui lui a révélé une part d’elle-même qu’elle ignorait. Est-ce bien nécessaire de savoir ? Son livre Histoire d’une passion.
Simone de Beauvoir : « Une Algérienne de vingt-trois ans, agent de liaison du F.L.N., a été séquestrée, torturée, violée avec une bouteille par des militaires français : c’est banal. Depuis 1954, nous sommes tous complices d’un génocide qui, sous le nom de répression, puis de pacification, a fait plus d’un million de victimes : hommes, femmes, vieillards, enfants, mitraillés au cours des ratissages, brûlés vifs dans leurs villages, abattus, égorgés, éventrés, martyrisés à mort ; des tribus entières livrées à la faim, au froid, aux coups, aux épidémies, dans ces « centres de regroupement » qui sont en fait des camps d’extermination – servant accessoirement de bordels aux corps d’élite – et où agonisent actuellement plus de cinq cent mille Algériens. Au cours de ces derniers mois, la presse, même la plus prudente, a déversé sur nous l’horreur : assassinats, lynchages, ratonnades, chasses à l’homme dans les rues d’Oran ; à Paris, au fil de la Seine, pendus aux arbres du bois de Boulogne, des cadavres par dizaines ; des mains brisées ; des crânes éclatés ; la Toussaint rouge d’Alger. Pouvons-nous encore être émus par le sang d’une jeune fille ? Après tout, – comme l’a insinué finement M. Patin, Président de la Commission de Sauvegarde, au cours d’un entretien auquel j’assistais – Djamila Boupacha est vivante : ce qu’elle a subi n’était donc pas terrible.»
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