C’était la deuxième fois que Bibliothèque Médicis se déplaçait à l’étranger, après les États-Unis au moment de l’élection d’Obama. «Et là, j’ai tenu, moi, Algérien originaire d’Oran, à venir à Alger pour que soient réalisées deux émissions exceptionnelles de mon émission qui est très regardée à la fois en France et au Maghreb. Je voulais marquer à ma manière le cinquantième anniversaire des accords d’Evian et surtout de l’indépendance de l’Algérie.J’ai voulu sortir de Paris, de la France pour éviter d’avoir sur les mêmes plateaux de télés toujours les mêmes invités : des historiens, des Français, des pieds-noirs, des Algériens qui vivent en France et supposés illustrer une Algérie où ils ne sont parfois pas venus depuis longtemps, ou encore où ils n’y vont qu’en touristes», nous déclarait Elkabbach lors de sa venue.Ce célébrissime animateur, icône de la télévision française venait à la recherche de gens connus chez nous, mais pas en France, pour leur donner l’occasion de faire passer leur message culturel et leur approche de la question politique dans l’Algérie d’aujourd’hui. La place de cette nation dans la Méditerranée. Sa place dans le Maghreb. En Afrique. En Europe… Il y revient, pour animer une conférence et donner la parole aux Algériens qui sont là : de Sidi Bel Abbès, la région de Maïssa Bey, Blida, là où est établie Chantal le Fèvre, Oran par Fatima Bakhaï… «Ce qui était impressionnant et émouvant en même temps, c’est cette recherche des uns et des autres. Cette forme de quête qu’on avait d’aller retrouver les uns et les autres pour parler de l’Algérie. De la manière la plus indépendante et la plus libre. Même si quelques-uns n’ont pas pu venir, je suis extrêmement satisfait de la qualité de l’émission et des gens qui y ont participé. Ils ont surpris par leur sincérité, l’authenticité et la liberté de ton de leurs interventions».
Concernant le cinquantenaire, comment est-il perçu des deux côtés du bassin …
«Je pense que la passion a été logique», dira-t-il. Il mettra en avant des extrémistes qui dans chaque pays auraient envie d’allumer de petits incendies. Mais la majorité, en tout cas des Français, a une vision historique. Même si les Français ne connaissent pas la phrase de Boumediene, ils pensent tous qu’il faut tourner la page sans la déchirer. Il faut s’en souvenir, en parler, faire parler. C’est une manière de s’inscrire dans l’histoire en donnant la forme que doit avoir cet évènement pour les générations qui n’ont ni connu la guerre, ni l’issue de la guerre, mais qui vivent avec. Parce que justement il y a deux grandes séries d’évènements qui nous ont marqués : la Guerre d’Algérie et les suites de la Guerre d’Algérie.
Sur les relations souvent tendues entre l’Algérie et la France…«Moi je dis que c’est dommage ! Mais c’est moins tendu que vous ne le croyez. Voyez, vous-même, quelles questions vous me posez d’abord. La mémoire, la repentance, l’Histoire… Moi, je vous réponds en tant que Français ou pied-noir atypique. Je me suis formé par les lectures de Mendès France et par des gens qui ont rêvé d’une très grande coopération entre l’Algérie et la France. Je l’ai souvent dit, je me sens Algérien. Dès que j’ai commencé à être journaliste, les grands leaders de la révolution algérienne, je les ai connus. Ben Bella que j’ai interrogé à plusieurs reprises, Boudiaf. M. Bouteflika que j’ai connu en 1963, il était lieutenant. Les amis à moi au Lycée étaient partis à la wilaya où il était, et pendant mes vacances avec eux, je le voyais assez souvent les samedis et les dimanches.M. Bouteflika qui lisait des bouquins dont je pourrais dire ce qu’ils sont. Et chacun de nous se demandait qu’est-ce qu’on allait faire plus tard… J’ai connu Aït Ahmed, Ferhat Abbas… Donc la repentance, non. La reconnaissance, oui. Le souvenir, oui… Je suis fier du destin commun entre l’Algérie et la France. Je viens en Algérie, la tête haute. Nous pouvons avoir des ambitions en commun. Chacun doit balayer devant sa porte. Chacun doit écrire son histoire. En France, cela a été fait avec toute une génération d’historiens comme Benjamin Stora.Le même travail devrait se faire en Algérie avec des historiens qui devraient trancher sur le mensonge, les mensonges d’État, chercher aussi la vérité. Comment se fait-il que les historiens français et allemands arrivaient à travailler ensemble, à publier une histoire commune, et que nous, nous n’y arrivons pas. Ça se fera !»
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