L’ivrEscQ : Vous êtes connue par votre dynamisme dans le monde des Lettres et des Arts, pourquoi un entretien de tout un ouvrage, autrement dit com­ment a germé l’idée d’écrire un livre d’entretien avec Smaïn Laacher ?

 Nadia Agsous : J’ai rencontré Smaïn Laacher, Professeur de socio­logie à l’université de Strasbourg, à Meknès, dans le cadre d’une for­mation doctorale sur les migrations internationales. C’est en lisant son ouvrage intitulé «Le Peuple des clan­destins» (Calmann-Levy/ 2007) que j’ai commencé à prendre connais­sance de ses travaux de recherche. Mes premiers entretiens portant sur ses ouvrages ont d’abord été réalisés dans le cadre de mon activité jour­nalistique. Puis l’idée de réaliser un livre d’entretiens a pris corps au fur et à mesure que j’avançais dans la lec­ture de ses livres. J’ai été fort séduite à la fois par les ob­jets de recherche de S. Laacher qui les définit comme «des objets qui sont à la fois à la marge et au centre d’enjeux nationaux», et par sa grande capacité d’analyse. J’ai trouvé dommage que ces livres riches et enrichissants qui nous invitent à découvrir le monde à partir de ses périphéries, restent confinés dans des milieux d’initié-e-s (universitaires et spécialistes). «Des Hommes et leurs Mondes» a pour objectif de vulgariser les travaux de recherche de S. Laacher afin de les rendre accessibles au plus grand nombre.

 L.: Lorsqu’on vous lit on com­prend mieux les points qui sem­blaient une totale confusion, notamment le problème lié à l’émigration. Comment est per­çu ce livre chez les binationaux, ou précisément en France ?

 N.A. : Au-delà da sa dimension sociologique, Des Hommes et leurs Mondes peut être appréhendé comme un livre de culture générale car il traite de pléthores de sujets qui intéressent tout un chacun, en Algé­rie, au Maroc, en Tunisie, en Egypte, en France. Lors des conférences que j’ai ani­mées, à Paris, en présence de S. Laa­cher pour faire la promotion du livre, le public présent (Bi-nationaux/les et Français-e-s) ont posé beaucoup de questions notamment sur les phé­nomènes migratoires qui est un sujet d’une brûlante actualité aussi bien en Europe que dans les pays du Maghreb puisque ces derniers ne sont plus que des pays d’émigration, et deviennent de plus en plus des pays d’immigra­tion : la présence en masse des popu­lations sub saharienne et syrienne dans les rues des villes algériennes en témoigne. Beaucoup de questions ont également été posées sur la question de l’asile en France et sur les femmes. Je n’ai aucune idée de la réception de ce livre par les bi-nationaux et les bi-nationales. Je peux dire cependant que les personnes qui ont lu le livre ont dit l’avoir apprécié car le conte­nu a été très instructif. Je n’ai, par contre, aucun retour sur la réception de ce livre en Algérie où il a été publié (éditions Dalimen). Des conférences en présence du sociologue auraient été les bienvenues.

 L.: Un livre d’entretiens avec Smaïn Laacher, ayant à son ac­tif une dizaine d’ouvrages, mais aussi de complicité, j’ai presque envie de dire, un tandem à deux sur vos terrains d’investigation.

 N.A. : J’ai vécu de grands moments en compagnie de S. Laacher. Nous avons partagé une grande et sincère complicité, du savoir, des interroga­tions sur le devenir de nos sociétés en pleine «crise». Les entretiens se sont déroulés dans de très bonnes conditions : ponctualité, régularité, disponibilité. S. Laacher a bien vou­lu se prêter au jeu. Et cet élément a grandement favorisé la réalisation de ce livre. S. laacher est un puits de connaissance aussi bien sur le plan théorique que pratique car c’est un homme de terrain qui va à la ren­contre des personnes qui font l’objet de ses recherches. Il a été une grande école pour moi. Ces moments d’entretien riches et enrichissants m’ont encouragée à poursuivre la réalisation de ce livre qui dit le «Monde» et nous fait dé­couvrir quelques uns de ses protago­nistes qui l’habitent, l’animent et le font exister.

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