Le cinéma Algérien est né dans la guerre. Il est né de la guerre. Il ne faut pas croire que le FLN-CRUA qui a déclenché le 1er novembre est né en 1954. Derrière lui, 50 ans d’expérience acquise par le mouvement national politique lui a appris ce qu’est la propagande et la contre-propagande. Parmi ses cadres, on peut probablement trouver d’anciens colleurs d’affiches, des militants qui ont eu maille avec les services français de l’intox et avec toutes sortes d’individus malfaisants appartenant aux services psychologiques de la colonisation. Le service cinéma de l’ALN est un cinéma-riposte dans une guerre appelée asymétrique, c’est-à-dire une guerre dont les belligérants disposent de moyens totalement disproportionnés. Aviation, chars, blindés, canons, radars, barrages électrifiés, services d’écoute, effectifs impressionnants contre une poigné de guérilléros mal nourris, mal habillés et n’ayant comme arme que leur courage insensé et leur foi.
Dans cette guerre révolutionnaire, le cœur du sujet est l’homme. Nul point géographique à atteindre, nul montagne à conquérir, rien de tout cela n’existe dans la guerre asymétrique. L’homme est le but et la fin de cette guerre. L’ennemi ayant compris la redoutable menace, pour avoir essuyé une terrible défaite au Vietnam, a appris la leçon.
Il crée dès 1955 toutes sortes de services dont les CIPCG1, des écoles contre la guerre de guérilla. Dans celles-ci, deux éléments ressortent : la torture comme arme de guerre et… la propagande.
Dès lors, l’ennemi sillonne le pays de long en large et projette des films, colle des affiches, utilise des haut-parleurs pour distiller de l’intox et jette par hélicoptère des millions de tracts. Un budget colossal est mobilisé pour ces opérations. C’est la guerre préconisée par Trinquier, Lacheroy, Bruge, Leger, Godard, Massu, Bigeard.
L’ALN ripostera avec des moyens encore une fois asymétriques, quelques caméras visaient, en premier lieu, le moral des troupes basées aux frontières. Les films obtenus miraculeusement dans des batailles ne peuvent être diffusés à l’intérieur du pays.
Seule la radio tenue vigoureusement par l’infatigable Aïssa Messaoudi, a la capacité de traverser les frontières pour encourager la population soumise à la plus grande opération de matraquage physique et psychologique connue dans le monde. Après la torture qui fut une arme de guerre généralisée, vient la propagande. C’est dans ces conditions qu’est né le cinéma Algérien, un cinéma qui collait à la réalité, un cinéma-riposte devenu par la force des choses, un cinéma-mémoire. Lorsqu’après l’indépendance Ben Bella avait décrété la nationalisation des salles de cinéma, il y avait dans cet acte quelque chose de profondément enraciné, la haine du cinéma français et occidental qui rappelait l’action psychologique des CIPCG. L’action du Président n’était en aucun cas issue d’une politique réfléchie et sereine. C’était au contraire une réaction épidermique, une sorte de réflexe que de nombreuses personnes ont mis sur le dos du populisme de Ben Bella. À vrai dire, populiste ou non, il avait traduit un vague sentiment de dégoût des combattants et des politiques algériens pour la propagande coloniale, parce qu’ils avaient été les premiers à en ressentir les effets dans leur lutte clandestine (…)
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