L’ivrEscQ : Quelle est votre source d’inspiration, d’où vous vient cette envie de transcrire vos idées ?
Ali Kader : L’essentiel de mon inspiration me vient de ce qui se passe autour de moi. C’est l’actualité de tous les jours qui me donne des idées d’écrire des livres. D’ailleurs à mieux regarder, tous mes ouvrages sont inspirés de faits sociétaux réels. C’est vrai qu’étant agronome me permet de voir beaucoup de choses sous d’autres angles que d’autres professions ne voient probablement pas. Cela me permet d’être au plus près des gens. Surtout des ouvriers, des paysans. Le terroir, c’est important, cela me fait replonger souvent dans mes repères que j’essaie de sauvegarder coûte que coûte. De la nature aussi dans laquelle je baigne depuis mon jeune âge.
L:Vous êtes auteur de nombreux romans comme Le vieux fusil (ENAG, Alger 2010) et Feriel (ENAG, Alger 2013). A ce propos, quel est votre ouvrage le plus marquant ?
A.K. :Autant poser la question à un père de famille pour lui demander quel est l’enfant qu’il aime le plus.
Malgré sa préférence, il vous répondra humblement qu’il adore tous ses enfants. Ce sont ses entrailles, il ne peut renier l’un d’eux. Mais au fond de lui-même il a sa préférence. C’est un peu la même chose pour moi, toute proportion gardée, bien évidemment. Disons que le vieux fusil (ENAG, Alger 2011), qui était mon premier livre m’a permis de publier, de faire mes pas dans le monde de l’édition que je ne connaissais pas jusque là. Ce n’est pas facile pour la première fois. Ce livre je l’avais écrit avec mes «viscères ». Je l’avais voulu, je l’ai «enfanté» et l’ENAG que je remercie au passage, m’a permis de le publier. Relisez-le, vous verrez défiler sous une forme de romance un large pan de l’histoire de mon pays. Ce livre, le vieux fusil, je l’ai vécu en partie quand j’étais en poste dans la wilaya de Médéa. Beaucoup de mes compatriotes, en le lisant se replongent dans les horreurs des années quatre-vingt dix. Les uns les appellent la décennie rouge d’autre la décennie noire. C’est du pareil au même, l’essentiel est de ne rien oublier de cette période. Quant au livre Feriel (ENAG, Alger 2013), disons que c’est mon ouvrage «coup de cœur». A l’origine, il y avait cette idée qui trottait dans ma tête. J’en avais fais part à des amis. Quelques-uns voulaient me dissuader de ne pas le faire pensant que c’est un sujet tabou. Imaginez-vous votre éditeur publie un livre relatant la luxure d’une étudiante perdue dans les tourments d’Alger ? Finalement je décidais de l’écrire. Cela a donné une belle histoire qui colle étrangement à la réalité. Donc pour revenir à votre question, il m’est difficile de donner une préférence quelconque concernant ces deux livres. Les deux ouvrages sont marquants car différents chacun à sa façon.
L.:La déchirure (ENAG, Alger 2011) est une histoire d’amour dont les tourtereaux sont Lounes et Angelina. C’est un couple qui a vécu beaucoup de tensions, de pressions. Il y a eu un revirement puisque leur amour s’est transformé en haine. Est-ce les retombées d’un mariage mixte où s’agit-il de la négligence de Lounès, de ces démons ?
A.K. :Je ne pense pas qu’il y ait de la négligence de la part de Lounès ou le retour de vieux démons. Dans ce livre, les personnages principaux à savoir Lounès, Angelina et les deux enfants sont des victimes. Mis à part les enfants, chaque héros de l’ouvrage a sa part de responsabilité dans la tragédie qui a englouti la petite famille. L’idée d’écrire ce livre m’est venue en lisant un article dans un journal. L’auteur rapportait selon une étude un chiffre effarant, entre 70 et 75 % des mariages mixtes se terminent dans le divorce, et parfois dans la tragédie. C’est énorme ! Comme je côtoie souvent des couples mixtes majoritairement des compatriotes mariés à des françaises, je me suis dis
que cela pourrait être un bon sujet de livre. J’ai eu un écho favorable de la part de certains de ces couples. L’histoire en elle-même n’est pas loin de ce qui se passe un peu partout .N’est-ce pas que dans les faits, tout sépare ces couples ? L’un est musulman, l’autre chrétienne ; l’un est algérien, du sud de la méditerranée et l’autre européenne. Des cultures et des religions différentes. Des niveaux de vie aux antipodes l’un de l’autre. Au début s’ouvre une ère passionnelle où toutes ces contraintes n’apparaissent pas. Ne dit-on pas que l’amour pardonne tout ? Mais au bout de quelques années de mariage, arrivent les périodes de vérités, périodes où il faudra bien faire face aux vicissitudes de la vie. Les enfants naissent, on est à la croisée des chemins. Algérien ou Français, musulman ou chrétien, circoncision ou pas ? Eglise ou mosquée ? Est-cela le choc des civilisations, le choc des cultures ? En préface, j’avais averti le lecteur en lui apprenant qu’il y a des couples qui réussissent. Tout n’est pas noir. Said et Chantal qui existent et vivent toujours en France en sont l’exemple. Au prix de quels sacrifices !
L.:Au tribunal, Lounès a promis de «se refaire une main ». Il a manifesté l’envie de rester auprès de sa femme et de ses deux enfants. Cela n’a pas empêché Angelina de changer d’avis. Pourquoi sa décision a été irrévocable et ce malgré les promesses de Lounès ?
A.K. :Ce n’était pas de gaieté de cœur qu’il voulait quitter sa femme. Sa mère, le chômage et le mode de vie d’Angelina l’y ont quelque peu poussé. Il voulait se refaire «la main», le chômage et l’alcoolisme lui ravageaient l’esprit et le corps, il était déjà dans le caniveau ; mais il était trop tard, Angelina est «redescendu» sur terre. Elle ne veut plus avoir comme mari un homme comme Lounès. Ses enfants, son trésor, lui suffisaient, elle n’a plus besoin d’un homme comme père, ce ne sont pas les amants qui vont manquer.
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