Surnommé «la conscience d’Israël», auteur d’une oeuvre considérable, l’écrivain Amos Oz a été cité pour le prix Nobel de littérature à plusieurs reprises. Son inlassable activité littéraire ne l’empêche pas de militer au sein du mouvement «La Paix maintenant» pour une résolution juste du conflit israélo-palestinien et la création d’un Etat palestinien. Traduit en arabe, ses livres ont été publiés en Egypte, Jordanie et Liban.
L’ivrEscQ : Vous êtes l’auteur de vingt-sept livres, si vous pouviez résumer votre oeuvre en un seul mot, lequel serait-il ?
Amos Oz : Je dirais la famille, c’est mon thème unique.
L. : En deux mots ?
A. O. : La famille malheureuse.
L. : En trois mots ?
A. O. : Il faut lire mes livres !
L. : Pourquoi accordez-vous une telle centralité à la famille ?
A. O. : La famille est la plus mystérieuse institution existant dans l’univers. La plus tragique, la plus comique, la plus absurde. La plus improbable aussi. Nous ne sommes pas nés monogames, la plupart d’entre nous toutefois du moins, pourtant l’institution de la famille semble exister dans toute religion, dans tout régime et dans toute culture. Comment fonctionne-t-elle ? C’est un mystère pour moi. J’ai donc étudié la famille malheureuse, me concentrant sur elle, toute ma vie, dans tous mes livres .
L. : Vous êtes très actif dans le mouvement «La Paix maintenant», et vous préconisez une solution au conflit israélo-palestinien qui s’inspirerait de Tchekhov plutôt que de Shakespeare…
A. O. : Le conflit israélo-palestinien est une tragédie, dont la résolution devrait venir de Tchekhov, non de Shakespeare. À la conclusion d’une tragédie de Shakespeare, la scène est pleine de morts, de cadavres… justice est peut-être faite…
Dans une tragédie de Tchekhov, à la fin, la scène est pleine de gens déçus, tristes et désillusionnés –mais vivants ! Je ne voudrais pas de «happy end», il n’y a pas de «happy end», je voudrais une résolution tchekhovienne du conflit israélo-palestinien, non shakespearienne.
L. : Le destin des juifs est aussi pour vous une tragédie…
A. O. : Une tragédie colossale ! Partout, on ne voulait pas des juifs. Ils ont voyagé d’un pays à l’autre. Dans certains pays, ils ont été tolérés, pour un temps. Dans d’autres, ils ont été citoyens de seconde zone. Ils n’ont jamais eu de pays qu’ils auraient pu appeler «patrie».
L. : Vous vous définissez comme un écrivain à deux stylos, l’un pour la fiction qui vous définit naturellement comme écrivain, l’autre pour les essais qui nous font voir et comprendre l’homme…
A. O. : Et le citoyen actif ! Quand je veux dire à Netanyahou «va au diable !», je le lui dis clairement.
L. : Vous êtes membre du mouvement «La Paix maintenant», que fait-il ? Est-il actif ?
A. O. : Il est très actif, luttant pour une solution à deux États : l’État d’Israël et l’Etat de la Palestine, vivant côte à côte.
L. : Dans vos essais, la notion de compromis est primordiale…
A. O. : Pour de nombreux jeunes idéalistes, le compromis a une connotation négative et péjorative, ils pensent que le compromis est inconsistant et manque d’intégrité. Je pense que le compromis est la vie. Il est positif. Le contraire du compromis n’est pas l’idéalisme et l’intégrité, mais le fanatisme et la mort. Par conséquent, je crois au compromis. C’est un style de vie.
L. : Nous assistons actuellement à un blocage du processus de paix au Moyen-Orient…
A. O. : La seule solution au conflit israélo-palestinien est une partition en deux États souverains : Israël et la Palestine. Je pense que la majorité des Israéliens et la majorité des Palestiniens sont prêtes pour cette partition, pour cette opération chirurgicale.(…)
Une Réponse pour cet article
Nous partageons certaines choses avec Amos Oz. Nous sommes tous les deux Juifs. Nous sommes nés pratiquement à la même date – début mai 1939. Je suis aussi militant pour la paix, écrivain et enseignant. J’ai souvent été en Israël où j’ai vécu trois ans. Je crois que la solution des deux Etats est inéluctable. Elle viendra lorsqu’il sera évident que l’Etat Juif ne peut pas survivre autrement, notamment à cause du BDS qui prendra de l’ampleur, et le gouvernement israélien va jeter l’éponge. Cela prendra encore du temps, dix ans au maximum, peut être même moins. Tout le reste est de la… ‘litérature’, d’après la formule consacrée. Les Juifs sont têtus, ils se battront jusqu’à la fin, et c’est normal, vu l’importance du rêve sioniste. Evidemment il y a aussi le bourrage des crânes dans les écoles. Ce sera dur. Mais le temps travaille pour les Palestiniens. Et ils ne font plus de grosses erreurs, malheuresement pour les Israéliens…
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