En ma qualité d’africaniste, je situerai ma réflexion sur la place du roman dans le monde à partir du continent africain, lieu de culture chargé d’une histoire intense et spécifique. Depuis les années 60 les romanciers africains contribuent de manière significative à la littérature mondiale en donnant au roman une vitalité significative au moment même où en Europe les théoriciens du nouveau roman déclaraient la mort de l’auteur et la mort du roman qu’ils ont d’ailleurs désincarné. Au même moment, des romanciers africains innovants comme Kateb Yacine, Chinua Achebe, Sembene Ousmane, Rachid Boudjedra, Wole Soyinka, Assia Djebar ou Aminata Sow Fall créaient des personnages ‘sujets’ d’une grande puissance et d’une crédibilité sans conteste. Dans leurs textes les symboles et les métaphores avaient une grande portée politique. Dans le contexte colonial, l’émergence du roman « postcolonial » a stimulé la littérature mondiale. Les nouvelles littératures africaines furent dynamisées par le fait qu’elles donnèrent la parole à des peuples trop longtemps forcés au silence, et ces romanciers ont créé des personnages qui ne demandaient qu’à s’exprimer et être reconnus. Les romans africains montrèrent que l’Afrique pouvait donner à lire une vision du monde différente de celle des colons, une vision humaniste, non nombriliste et dans des formes d’écriture novatrices. Les œuvres romanesques en question sont des indicateurs d’affirmation de soi en direction d’une Europe coloniale et postcoloniale pour qui l’histoire revient en boomerang à travers un genre romanesque réinventé et engagé. Par le biais d’une oralité réinventée donnant ce que l’on appelle le réalisme magique, la fougue politique et poétique des pays du sud devient un enrichissement sans précédent dans le monde littéraire, ce qui a stimulé de nombreux critiques et théoriciens de la littérature comme Edward Saïd, Homi Bhabha et bien d’autres.
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