Considérée universellement par les historiens comme une année capitale dans l’histoire de l’humanité (fin du XIXème siècle du fait de l’indépendance-découpage des Balkans, laquelle génèrera la première guerre mondiale), 1913 a connu de nombreux événements et faits importants dans tous les domaines. Nous nous intéressons à ses aspects ayant trait à la littérature et aux livres. Au préalable, signalons deux fortes personnalités francophones dont l’influence demeure encore considérable un siècle après. La première est le Suisse Ferdinand de Saussure (décédé le 22 février), maître fondateur de la linguistique moderne, la seconde le Belge Henri-Marie La Fontaine qui reçoit le prix Nobel de la paix pour–entre autres– avoir perfectionné, avec son compatriote Paul Otlet, le CDD (Classement Décimal de Dewey) en CDU (Classement Décimal Universel), en usage normalisé dans toutes les bibliothèques du monde. Rabîndranâth Thâkur dit Tagore, à qui sont comparées souvent les poésies de Mohamed-Laïd Khalifa, reçoit également cette année le prix Nobel de littérature. En Algérie, la célébration du centenaire de Mouloud Feraoun (le 8 mars) est prévue tandis que celle de son ami Albert Camus (né le 7 novembre) – préparée activement en France et dans le monde – ne passerait certainement pas inaperçue dans son pays natal. Quelques uns de leurs connaissances communes ayant encouragé les écrivains algériens débutants seront à l’honneur également, à savoir les auteurs et critiques suivants : le pied-noir René-Jean Clot (né le 19 janvier à Ben Chicao-Médéa) et les françaouis (Français de France) ayant effectué de longs séjours en Algérie tels Max-Pol Fouchet (né le 1er mai) – dont l’association des amis est présidée par l’Algérien Abdelkader Djemaï – et Jean Rousselot (né le 27 octobre). Par ailleurs, on sait que la famille Amrouche s’est installée en 1913 à Tunis où la petite Marie-Louise Taos Amrouche voit le jour le 4 mars. D’autres écrivains sont nés en 1913 : un Algérien, le méconnu Mohamed Kazi-Tani, un aveugle ayant publié un récit poignant en 1952 et un Egyptien, le célèbre Albert Cossery dont tout le monde semble ignorer qu’il a publié un texte en Algérie (dans la revue algéroise Terrasses de juin 1953). Côté peinture, Constantine a vu naître Jean-Michel Atlan (le 23 janvier), un artiste ayant exercé une imprégnation dans le mouvement Cobra français et quelques peintres algériens dont certains se réclamentouvertement de son héritage. 1913 demeure une année de grâce importante pour la conversion à l’islam – et en Algérie – d’un autre peintre, Etienne Nasr-Eddine Dinet. La même année, le métaphysicien traditionnaliste René Guénon (Abdel Wahid Yahya, en islam) entre en religion par le biais de la tarika chadouliya et sa correspondance avec le cheikh Ahmed al Alawi de Mostaganem. Il enseignera la Psychologie à Sétif en 1917-1918 (cours publié à Milan, Arché, 2001) et ses deux fils viennent régulièrement s’initier dans une zaouïa algérienne. La même année est celle aussi de la naissance du philosophe et homme politique français, Roger Raja Garaudy (le 17 juillet), très lié à l’Algérie où il a été interné pendant la Seconde Guerre mondiale dans un camp de Djelfa, lieu de découverte de la religion musulmane qui sera sienne. Pour revenir aux belles-lettres, où en est en 1913 la littérature française et francophone (mot inventé par le géographe Onésime Reclus en 1880 mais popularisé à compter des années 1960 par Le Larousse et l’Africain Léopold Sédar Senghor) ? Elle connait une mutation dont peu prédisait le prolongement jusqu’à nos jours. Dans le domaine du roman, deux œuvres mythiques sont publiées : Du côté de chez Swan, de Marcel Proust, icône du grand livre publié à compte d’auteur, et Le Grand Meaulnes, d’Alain Fournier, auquel la mort moins d’un an plus tard dans les tranchées auréole davantage l’auteur d’un seul livre de légende, l’archétype du roman pour adolescent en proie aux premiers émois amoureux. En dépit de multiples adaptations au cinéma, à la musique et à la chanson, ces deux écrits – traduits dans le monde entier – incarnent avec récurrence l’émotion, vertu cardinale de la littérature. Deux grands noms sont à naître : Claude Simon (le 10 octobre), l’un des pères putatifs du nouveau roman et prix Nobel de littérature en 1985, revendiqué par Rachid Boudjedra, et Roger Caillois (le 3 mars), poète et poéticien ayant fait connaître la littérature sud-américaine en Europe en la traduisant et l’éditant. En poésie, les audaces du poète Guillaume Apollinaire dans Alcools (avril 1913) annoncent le dadaïsme et le surréalisme (mot qu’il forgea). Mobilisé sur le front, Apollinaire se déplace en Algérie (Oran) en décembre 1915, à la poursuite d’une de ses innombrables «fiancées», vite séduites et abandonnées. Dans le domaine des essais, est publié à titre posthume le Dictionnaire des idées reçues, de Gustave Flaubert (décédé en 1880) dans lequel il fustige avec férocité ou humour noir la bêtise humaine. La littérature francophone a enfanté en 1913 un grand auteur et une œuvre classique. L’auteur est le Martiniquais Aimé Césaire (né le 26 juin), lequel va remettre en cause la «mère-patrie» avec sa poésie, son théâtre ou ses célèbres discours anticoloniaux. L’œuvre porte la signature de Louis Hémon, Maria Chapdelaine, un modèle du roman rustique du «Canada français» (son sous-titre), tant adapté au cinéma, à la télévision, à la chanson, à la BD, etc… Enfin, dans ce recensement d’auteurs et de livres axés sur l’année 1913, n’oublions pas le cinéma qui a tant adapté des œuvres littéraires à l’écran. Les principales naissances portent les noms de René Clément (le 18 mars), réalisateur ayant adapté avec succès les best-sellers Paris brûle-t-il ? et Jeux interdits dont la partition musicale est connue des guitaristes du monde entier. Sont retenus les quatre acteurs suivants : les Américains Victor Mature (le 29 janvier), qui se spécialisera surtout dans les péplums ressourçant les mythes bibliques ou gréco-romains puis Burt Lancaster (le 2 novembre) qui vient en Europe pour tourner avec Luchino Visconti l’inoubliable Le Guépard , d’après le roman éponyme de Giuseppe de Lampedusa; effectuant le chemin inverse, la britannique Vivien Leigh (le 5 novembre) rejoint Hollywood pour jouer notamment dans le mythique Autant en emporte le vent, inspiré du non moins célèbre roman de Margaret Mitchell ; quant au Français Jean Marais (le 11 décembre), il demeure étroitement associé aux livres-films de Jean Cocteau. De tous ces noms et dates qui seront célébrés l’année 2013, L’ivrEscQ est tenu de s’y joindre et d’y revenir sur quelques uns d’entre eux.
Autres Commémorations
Principaux écrivains et hommes de culture algériens et étrangers disparus depuis 1962 et dont la commémoration donne lieu cette année à des hommages et publications.
Il y a10ans (2003):
Mohamed Dib (21 juillet 1920-2 mai 2003), écrivain algérien.
Maurice Blanchot (22 septembre 1907-20 février 2003), écrivain etessayiste français, un des initiateurs du Manifeste des 121 pendant la Guerre d’Algérie.
Mohamed Choukri (15 juillet 1935-16 novembre 2003), écrivain marocain de langue arabe.
Françoise Giroud (21 septembre 1916-19 janvier 2003), journaliste française, une des fondatrices du journal L’Express, qui prit la défense de l’Algérie indépendante.
Guy Hennebelle (7 septembre 1941-3 juillet 2003), critique cinématographique qui, sous le pseudonyme de Halim Chergui dans la presse algérienne, a défendu le cinéma national, particulièrement le cinéma djedid, et le 7è art du Tiers Monde.
Ahmadou Kourouma (24 novembre 1927-11 décembre 2003), écrivain ivoirien.
Alfred Muzzolini (5 janvier 1922-16 février 2003), maitre des études en art rupestre saharien.
Edward Saïd (1er novembre 1935-24 septembre 2003), intellectuel palestino-américain de langue anglaise. L’année 2003 a vu aussi la disparition de trois hommes politiques algériens : Benyoucef Benkhedda (1920-2003), Mahfoud Nahnah (1942-2003) et M’Hamed Yazid (1923-2003).
Il y a 20ans (1993):
Décès du poète, journaliste et scénariste Jamel Moknachi (26 septembre 1937-12 février 1993). Assassinats de poètes et journalistes : Laâdi Flici (17 novembre 1937-17 mars 1993), Tahar Djaout (11 janvier 1954- 2 juin 1993), Youcef Sebti (24 février 1943-27 décembre 1993). Autres intellectuels assassinés : le psychiatre Mahfoud Boucebsi (22 novembre 1937-13 juin 1993) et le sociologue
M’Hamed Boukhoubza (1941-22 juin 1993).
Antony Burgess (25 février 1917 – 25 novembre 1993), écrivain britannique. Auteur du célèbre roman L’Orange mécanique porté à l’écran et mondialement consacré par Stenlay Kubrick (1971).
Pierre Desgraupes (18 décembre 1918- 16 mars 1993), réalisation français de télévision et de radio, le premier à donner la parole à des écrivains algériens.
Alfred Manessier (5 décembre 1911-1er août 1993), artiste-peintre français, un des membres influents de la Nouvelle Ecole de Paris dont une partie de son œuvre est inspirée par l’Algérie. Christian Metz (12 décembre 1931 – 7 septembre 1993), universitaire français, concepteur mondialement connu de la sémiologie du cinéma.
Georges Mounin (20 juin 1910-10 janvier 1993), linguiste français, un des signataires du Manifeste des 121, grand amie de certains auteurs de la poésie algérienne de combat.
Il y a30ans (1983):
Raymond Aron (14 mars 1905-17 octobre 1983), philosophe français, intellectuel de droite influent qui, à l’instar de son «petit camarade» de gauche Jean-Paul Sartre (ils se sont brouillés), a été pour l’indépendance de l’Algérie.
Jacques Benoist-Méchin, (1er juillet 1901- 124 février 1983) ; historien français, le «Michelet de droite», puis biographe (Mustapha Kamel, Ibn Séoud, Fayçal, etc.).
Paul Géraldy (6 mai 1885-10 mars 1983), poète français pour «midinettes».
Hergé (RG : Rémi Georges) : 22 mai 1907 -3 mars 1983, dessinateur de Bande Dessinée belge, le père du célèbre Tintin.
Arthur Koestler (5 septembre 1905-3 mars 1983), écrivain britannique d’origine hongroise de langue allemande, hongroise et anglaise, un des premiers à dénoncer l’univers du goulag communiste dans son célèbre roman Le Zéro et l’infini.
Henri Laoust (1er avril 1905-12 novembre 1983), arabisant français, grand spécialiste de l’islam notamment sous ses aspects politiques anciens.
Tennessee Williams (26 mars 1916-25 février 1983), écrivain américain, essentiellement dramaturge.
Il y a 40ans (1973):
Malek Bennabi (1er janvier 1905-31 octobre 1973), penseur algérien,auteur de nombreux études surl’islam en tant qu’idéologie.
Jean Sénac (29 novembre 1926-1erseptembre 1973), poète algérien.
Pearl Buck, romancière américaine (26 juin 1892-6 mars 1973), première femme à obtenir le prix Pulitzer en 1932, prix Nobel de littérature 1938.
Taha Hussein (14 novembre 1889-28 octobre 1973), écrivain égyptien aveugle qui a été ministre de l’Education nationale.
Pablo Néruda (12 juillet 1904-23 septembre 1973), poète chilien, prix Nobel de littérature 1971.
J. R. R. Tolkien, écrivain britannique (3 janvier 1892-2 septembre 1973), connu pour ses romans Le Hobbit et Le Seigneur des anneaux, adaptés avec succès au cinéma.
Il y a 50ans (1963):
Jean Cocteau (5 juillet 1889 -11octobre 1963) écrivain et cinéaste français.
Aldous Huxley (26 juillet 1894-22 novembre 1963), écrivain britannique, mondialement connu pour son roman Le Meilleur des mondes. 28 octobre 1963 : création à Alger de la première Union des écrivains algériens, avec l’élection de Mouloud Mammeri comme président et de Jean Sénac comme secrétaire général.
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