Sois juste ; l’amour est une belle chose ;
Tout le mal vient de ta nature perverse.
Tu as donné le nom d’amour à ton désir de jouissance,
Mais de l’amour à la jouissance la distance est grande.
Tel un voyageur des intérieurs mawlana Djalal el dine se savoure, en écoutant le choeur de son coeur pour louer le pouvoir de l’amour, cet amour qui prie sur la rosace de la divinité, qui luit sur l’esplanade de la véracité. Un amour qu’enlaidissent une jouissance perverse et une convoitise traîtresse, puisque ni ses joies mensongères, ni ses plaisirs éphémères, rien de tous ces trônes de bassesse, qui te séduisent, toi, l’homme, qu’El Rûmî vise, rien n’élude la musique de l’amour qui te noie dans le cosmos du moi céleste, qui te sépare de tes désirs pour t’unifier à tes élixirs, qui te dissocie de ton intériorité pour t’unifier à ton entité, c’est la distance entre toi et toi, ton ultime escale pour la foi .
Il faut se garder de la souillure du monde
Soigne bien ta vue, en effet,
L’univers tout entier est Lui,
Mais il faut avoir les yeux clairs.
Purifié par son génie d’aimer, le sultan des amoureux incite les coeurs miséreux à s’élever sur ces laideurs nymphomanes qui se pavanent sans pudeur, à se préserver de ces hideurs qui souillent ce monde trompeur, puisque l’éloge de l’amour est, dans tout ce qui nous entoure, dans le vermillon des horizons, dans le chuintement des torrents, dans le firmament d’une étoile qui récite la prière des goélands, dans la prière d’une colombe qui médite la soif des étangs. Encensé par cette céleste chaleur qui flambe sous sa jupe de derviche tourneur, El Rûmî nous apprend à éclairer nos regards pour trouver la lumière, à gouverner nos passions pour atteindre l’extinction dans l’amour divin pour être enfin des humains.
Quand de l’amour divin l’aurore poindra
Des corps vivants l’âme sortira
L’homme atteindra un lieu où à chaque moment,
Sans fatiguer ni ses yeux ni ses mains, il percevra.
Encensé de prière, El Rûmî s’invite et nous invite à s’enivrer du vin célestin, pour être des commandeurs dans le royaume des adorateurs. Car celui qui aime voit l’aube immaculée se baigner dans l’océan de l’amour divinisé, il perçoit son âme swinguée dans le temple des soupirs et son corps devient un port pour accéder au dedans des temps et des lieux, des terres et des cieux. Sans se fatiguer, sans se surmener, il voit au delà de son regard, au delà des dos des miroirs, au delà de la blêmeur des phares. Son silence est éloquence, son absence est présence, son essence enjolive les ratures de l’existence, ses sens, une langue qui s’élève sur les langues, un parler qui parle au nom de tout le créé, il voit car il croit, il est libre car il est ivre, il est heureux car il est amoureux et son amour s’appelle le tout miséricordieux.
Aux jardins il y a mille belles aux visages lunaires,
Il y a des roses, des violettes qui sentent le musc,
Et cette eau qui tombe à goutte dans le ruisseau,
Tout est prétexte à méditation… il n’y a que Lui… que Lui.
La vue méditative Djalal el dine admire les vergers de la grâce où tant de belles enchanteresses font la cueillette des joliesses, où tant de douces ivresses grisent des fleurs aux couleurs songeuses, une luxurieuse blancheur, une fougueuse rougeur, une voluptueuse odeur, tout en couleur…Tout est louange au Seigneur. L’ouïe pensive, le poète écoute la psalmodie des rosées bénites qui allaitent les fontaines de marguerite, des crachins divins qui sustentent la sève du matin et des perles d’eau qui valsent sur les épaules des ruisseaux, tout, tout est déclaration d’amour et méditation du coeur. Et toute la poésie d’El Rûmî nous dit que Dieu est, par excellence, la référence de toutes beautés, de toutes vérités, l’aimer c’est le connaître, se connaître, son amour est le propre de la foi, il en est le prélude, la plénitude et la finitude, le coeur de son serviteur en est la patrie et le foyer, son expression initiatique et sa demeure utopique : «Ni mes cieux, ni ma terre ne peuvent me contenir, seul le coeur de mon serviteur pieux et pur peut me contenir.» (une sainte parole prophétique).
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