L’ivrEscQ : Il y a toujours des circonstances qui contribuent à l’écriture d’une oeuvre littéraire. Qu’est ce qui vous a poussé à écrire un roman qui parodie la littérature à l’eau de rose ?
D.R.T : Dans mon entourage, j’avais constaté qu’il y avait une sorte de mimétisme vis-à-vis des modèles qui sont véhiculés par les romans de gare. On se renfermait dans des modèles fantasmatiques, préétablis. En conséquence, on reproche à l’autre de ne pas les incarner. Au bout du compte, on s’est retrouvés avec des jugements stéréotypés : Les hommes sont des salauds et les femmes sont des gourdes. On oublie une chose extrêmement importante.
Les gens sont mauvais que dans la mesure où ils se conforment à des modèles spectaculaires. S’ils vivaient leurs rapports réels avec les valeurs de leurs sociétés, on tomberait beaucoup moins dans ce genre de déception. Comme disait Michel Clouscard : l’anodin révélateur du sérieux. J’ai voulu aborder la transformation d’un rapport social en marchandise, c’est-à-dire le thème de réification. Ce que devait être l’amour envisagé par un couple est un acte fondé, en adéquation avec la réalité. Mais on se conforme dans nos rapports sociaux à des entités extérieurs.L’amour devrait représenter le vécu de deux êtres. Ce n’est point un mode d’emploi.
L. : Nadir est le protagoniste de votre roman. Désinvolte et sarcastique, Il trompe sa copine Daria en s’adonnant à la transgression des convenances.Quelle est la source de ses agissements ?
D.R.T : Il est pris par cette transgression à la mode. Daria incarne cette transcendance, une femme rangée et pure. Elle va aimer l’anticonformisme de Nadir et bien sûr elle va attendre de lui l’honnêteté, le dévouement et la franchise. C’est-à-dire, tout ce qui est fabriqué par les romans de gare.
Mais elle oublie qu’il s’agit en réalité d’une maladresse. Nadir est le cadet de la bourgeoisie qui est pris entre la transcendance et les hautes valeurs morales. Il essaye de s’affranchir des convenances mais il le fait maladroitement. Même s’il est très critique vis-à-vis de la société occidentale, il est prédéterminé par son emprise. On peut dire que Nadir est victime du narcissisme que nous inculque la société moderne. Il a constamment peur d’être jugé dans la mesure où il ne se conforme pas aux modèles spectaculaires. C’est en quelque sorte un anticonformisme raté.
L. : Vous dénoncez la transformationdu désir en outil de manipulation. Pourquoi ce thème est si important à vos yeux ?
D.R.T : Cette dénonciation a été développée par Michel Clouscard dans son livre, Néo-fascisme et idéologie du désir. Quand l’amour se transforme en idiologie, cela fait du citoyen un éternel adolescent. Aujourd’hui, on est face à des individus qui envoient tous les interdits aux quatre diables. Le plus petit dominateur de l’homme c’est la pulsion. On devient automatiquement grégaire à cause de cette propension.
Quand on croit qu’on est exceptionnels ou des êtres spéciaux, c’est justement parce qu’on a été pris par le piège du désir préétabli. Dès lors, le juge moral, le surmoi devient bafoué.
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