«C’est l’histoire de chacun de mes trois personnages principaux est une boqala dont je veux extirper non pas le merveilleux mais la tragédie» L’ivrEscQ : Le vocable boqala a une connotation ramadanesque et rappelle votre récit «Sur ma terrasse algéroise» qui a été écrit durant un mois de ramadan et qui parle aussi de boqalates. Pourquoi cette fixation du patrimoine ?
Fadéla Chaïm-Allami : La boqala fait partie de mon vécu, elle est source, elle est fenêtre sur un passé presque révolu de l’Algérie mais elle est aussi le tremplin de l’inspiration poétique. De ce fait, je suis pour une restauration du patrimoine culturel que nous avons le devoir de pérenniser et d’étudier pour mieux aller de l’avant.
L.: Asméralda observe, tâtonne, prend le pouls d’une société qui n’est guère la sienne… est-ce le vécu de l’auteure que vous êtes ou est-ce des faits fictifs, la houle noire comme vous écrivez ?
F. C-A. : Non, ce n’est pas un vécu à proprement parlé, dans ce sens où je donne au personnage d’Asméralda –du moins au début– quelques-unes de mes réflexions. Le secret du roman, c’est d’avoir créé des personnages fictifs/réels et inversement. Tout est réalité mais tout aussi repose sur le roman bâti dans le fictif. D’où sa complexité. Quelquefois, je ne m’y retrouve pas moi-même…
L.: Vous entamez votre roman par la boqala qui «prône» le retour. Est-ce le désir de toute personne qui part et inévitablement revient, sans aucun doute ?
F. C-A. : La boqala désenchantée prône un possible retour à la fin du roman mais ce retour est celui d’Asméralda, pas de l’un des autres personnages, en l’occurrence Zoulekha qui dit adieu à l’Algérie par le suicide. Cependant, d’une certaine manière, ce flux et reflux d’un personnage à l’autre, ce voyage entre l’une et les autres, c’est comme cette Méditerranée qui nous borde : la vague part puis elle revient, éternellement.
L.: Votre roman commence par la boqala tout comme le cahier de Zoulekha qui commence par la boqala ?
F. C-A. : Oui, car l’histoire de chacun de mes trois personnages principaux est une boqala dont je veux extirper non pas le merveilleux mais la tragédie. Il est de fait que la boqala algérienne est un jeu divinatoire qui prédit la beauté de l’événement, à l’exception des deux boqalates choisies pour ouvrir et fermer le roman qui, elles, me semblent avoir été écrites durant la guerre d’indépendance et qui m’apparaissent très adéquates à la situation présente de la société algérienne. Il est de fait que la boqala classique exalte les amours et les jardins exhalant des effluves de roses, alors qu’ici la boqala n’est que désenchantement, bien qu’elle finit par un vœu pieux, «Mon Dieu, fait descendre celui qui est au faîte de l’arbre et remonter celui qui est au fond du puits !». Alors, malgré la mort de Zoulekha, l’enfermement de Narimane, la narratrice – Asméralda–se veut un tant soit peu et ô peine légèrement optimiste !
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