L’ivrEscQ : Qui êtes-vous, Geneviève Chauvel, et pourquoi cet intérêt pour Barberousse, un corsaire musulman? Geneviève Chauvel : Ce n’est pas la première fois que j’écris sur des personnages orientaux. Je vous rappellerai mon Saladin, rassembleur de l’islam qui a reçu le prix mondial Emir Fakhr-ed-din au Liban, publié en 1991, puis l’Amazone du désert, Gertrude Bell, publié en 2005 chez Pygmalion, comme le précédent. Après cela, j’ai voulu aller plus loin dans la compréhension du monde arabe, et je me suis intéressée à l’islam, celui du Prophète : comment cette grande aventure avait commencé. J’ai suivi le Prophète dans le cheminement des révélations qu’il a reçues de l’ange Gabriel, et je me suis attachée à sa seconde épouse, Aïcha, la bien-aimée… Nous en avions parlé quand le livre est sorti aux éditions Télémaque, et vous m’aviez demandé pourquoi et comment j’avais pu écrire cet ouvrage, moi, une occidentale chrétienne. Je vous rappellerai donc que je suis née à Fréjus, mais j’ai aussitôt vécu en Syrie, au bord de l’Euphrate pendant trois ans, puis j’ai grandi à Alger où j’ai fait mes études de droit et sciences économiques, baignée par la juxtaposition des deux cultures. Dans les paysages du bled et dans les rues d’Alger où en 1960, j’ai rencontré un journaliste du Figaro, Jean- François Chauvel qui couvrait les «évènements», comme on disait alors. Il m’a épousée l’année suivante et je suis arrivée à Paris, bien décidée à oublier l’Algérie, les Arabes et mon passé… Mais le destin est sournois. Mon mari voyageait beaucoup dans les pays arabes. Le Proche-Orient était sa spécialité. Pour le suivre, je suis devenue photographe. Et avec lui, j’ai découvert d’autres pays arabes comme le Liban, la Syrie, la Jordanie, et surtout l’Arabie et les émirats du Golfe, les bédouins, le désert… Mes photos ont été diffusées dans les magazines internationaux par l’agence Gamma, puis l’agence Sygma. J’ai rencontré des chefs d’état comme le roi Fayçal d’Arabie, le roi Hussein de Jordanie, les présidents Sadate, Hafez el Assad, Amine Gemayel, cheikh Zayed de Abou Dhabi, l’émir du Koweit et aussi le colonel Kadafi quand il a pris le pouvoir en Lybie en 1973. C’est ainsi que je me suis nourrie de l’Histoire du monde arabe. Riche de tous ces voyages et de ces rencontres, j’ai voulu écrire, et ce fut «Saladin». Je remontais aux Croisades pour mettre en scène la première confrontation entre l’Orient et l’Occident. Islam contre chrétienté.
L. : Est-ce la nostalgie d’Alger qui vous a inspiré Barberousse ? G. C. : L’écriture du livre l’a fait naître, mais l’idée même de ce livre m’est venue lorsque le président Sarkozy a annoncé la création de «l’Union pour la Méditerranée ». Je me suis souvenue alors que cette mer avait été un enjeu stratégique de premier ordre dans la première moitié du XVIème siècle lorsque trois monarques se la disputaient : Soliman le Magnifique, Charles Quint et François 1er. L’empire ottoman contre les puissances chrétiennes. Je découvre alors un quatrième personnage qui devient un maillon incontournable dans cette lutte impitoyable qui va se dérouler à coups de batailles navales sanglantes : Khayr-ed-din que l’on connaît sous le nom de Barberousse. Il ne fut pas seulement un corsaire redoutable mais aussi le roi d’Alger, et sa renommée se répand jusqu’à Istamboul où Soliman le fait appeler pour lui confier sa flotte. Il deviendra alors Khayr-ed-din Pacha et deviendra le grand modernisateur de la flotte ottomane.
L. : Pourquoi le sigle «roman» sur la couverture puisqu’il semble que vous suivez l’Histoire pas à pas? G. C. : Tout simplement parce que je n’ai pas voulu une biographie classique, universitaire. La vie de Barberousse est un véritable roman et je l’ai écrite dans un style romanesque sans y mêler aucune fiction. J’ai voulu que ce livre se lise comme un grand roman d’aventure et qu’il soit accessible au grand public.
L. : Qu’en est-il de la vie de Khayreddin Pacha, quelles sont ses origines ? G.C. : Il était le 4ème fils d’un janissaire de Roumélie, engagé dans l’armée de Méhémet II qui avait conquis Constantinople et contribué à la chute de Byzance. Dans le mouvement qui avait suivi, Yacoub et son régiment avait pris l’île grecque de Mytilène et s’y était installé afin d’assurer la domination ottomane. Devenu potier, il avait épousé la veuve d’un pope qui s’était convertie à l’islam et lui avait donné quatre garçons auxquels il apprendra comment se battre et en fera d’excellents marins. Aroudj et Khayreddin, appelé Khizr pendant ses jeunes années, lui feront honneur en devenant les plus vaillants corsaires de leur époque avant de conquérir l’Algérie pour la gloire du sultan ottoman, afin d’étouffer la colonisation espagnole naissante et la christianisation des musulmans de ces côtes stratégiques pour la domination de la mer.
L. : Comment les deux frères ont-ils pris le pouvoir à Alger ? G. C. : Dès 1510, Aroudj a compris l’importance de la côte algérienne. Il suit avec inquiétude les incursions espagnoles et la construction de forteresses à Bougie, Oran, Mers el Kébir, et le fameux Pégnon d’Alger. Lorsqu’il attaque Bougie avec ses corsaires turcs, il y perdra un bras qui sera vite remplacé par une prothèse en argent. On l’appelait «Baba Aroudj au bras d’argent» (…)
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