L’ivrEscQ : Une nouveauté « Alors, Raconte… » fraichement paru aux éditions NewAcademicPress à Vienne… Comment décririez-vous ce texte ? Dans quel genre s’inscrit-il ? Une forme d’enquête ? D’apaisement ? D’exutoire ? De nostalgie ?
Kader Benamara : Ce tout dernier livre – « Alors, Raconte… » – est ce qu’on pourrait dire une œuvre de fiction historique. Il a comme toile de fond quelques épisodes de l’Histoire de l’Algérie qui se sont déroulés dans la première moitié du 20e siècle. La structure sous-jacente consiste en des événements et des personnages réels et fictifs.
J’ai voulu ainsi faire revivre dans ce livre un passé relativement proche et recréer l’atmosphère qui régnait pendant cette époque. J’offre au lecteur un univers ancré dans l’Histoire où des personnages fictifs croisent des personnages historiques et tous évoluent dans un cadre scrupuleusement reconstitué. Le pittoresque des lieux, des objets, l’enchantement du dépaysement s’additionnent à l’évocation des conflits politiques et militaires, des structures sociales, des confrontations idéologiques qui ont animé un moment de l’histoire de l’Algérie.
Le roman historique est aussi ancien que l’écriture. Il y a bien longtemps que les auteurs ont commencé par décrire leurs souvenirs sous cette forme. Pensons aux écrits du poète grec Homère : l’Iliade et l’Odyssée ; aux œuvres d’écrivains prestigieux tels que Victor Hugo, Alexandre Dumas, et bien d’autres. L’évocation du passé par l’écriture était et demeure un des penchants primordiaux de l’écrivain.
Le roman historique est une œuvre d’imagination, écrite en prose, un récit fictif où l’auteur cherche à exciter l’intérêt par la peinture des passions, des mœurs ou par la singularité des intrigues.
L. : Quelles sont les caractéristiques du roman historique selon votre expérience ?
K.B. : Tout d’abord, il repose sur une « mise en intrigue » qui suppose une délimitation chronologique, un fil directeur et une finalité déductive et interprétative. Il a ensuite pour but d’éclairer et de donner du sens à un événement, une situation, une période historique. Il ne se propose pas de présenter une simple chronologie de faits. À vrai dire, il doit montrer la dynamique d’une action ou d’agencement de faits. Il a un sens. Il met en scène des acteurs : individuels, collectifs, concrets ou abstraits (entités, concepts). Finalement, il intègre à la différence de la narration littéraire une explication : toute affirmation est justifiée, les faits sont énoncés et ont des répercussions.
Le genre a triomphé au XIXe siècle qui s’est penché sérieusement sur son Histoire.
« Alors, raconte… » est destiné en premier lieu aux Algériens. Ils y récolteront, dans une certaine mesure, quelques notions historiques sur des événements qui se sont déroulés dans leur pays entre les années 1930 et 1942. Cette époque est relativement courte mais elle a été si intense et si riche en péripéties. Les chapitres consacrés à la célébration du centenaire de la conquête de l’Algérie en 1930, le Code de l’indigénat institué à la fin du 19e siècle, le débarquement allié en 1942 en Afrique du Nord, plus particulièrement à Alger, relatent des épisodes ordinairement assez mal connus. L’époque est pleine de leçons et de repères et permettra (c’est un souhait) aux lecteurs de mieux appréhender l’histoire de leur pays et de s’y retrouver, car l’époque contemporaine résonne trop de discours qui entretiennent des illusions et abonde de fables, pour ne pas dire d’inepties, plus d’un demi-siècle après l’indépendance du pays.
Le personnage principal, Hakim, mis en scène dans ce livre est fictif mais c’est une création qui s’inspire du réel. Il est imaginé mais il n’a pas été vraiment inventé ; il est le reflet d’une réalité ; il s’inspire de personnes qui ont existé. Il occupera largement la scène dans les chapitres I, II, III et IV, et interviendra par intermittence dans les chapitres qui suivront. Il sera présent tout au long du récit et contribuera à jeter de la lumière sur les événements historiques se déroulant en Algérie et à leur donner plus de relief en examinant les enjeux, les liens de causalité, la chronologie et les processus, c’est-à-dire l’ensemble de moyens et d’activités qui transforment des causes en effets.
Dans la Casbah où Hakim est né et où il habite, les conditions de vie ne sont pas propices à une quelconque expression d’allégresse. Le taux démographique élevé et l’arrivée incessante de malheureux en provenance du bled, fuyant la misère, n’arrangent pas des conditions de vie qui y sont déjà précaires. La tristesse hante les rues et le ressentiment se lit sur les visages des hommes et des femmes qui résident dans cette vieille médina.
Le récit présenté dans ce livre est réaliste, tant à travers les faits historiques qu’il relate, mais également à travers la vie quotidienne qu’il décrit. Il bascule entre réalité et fiction et la fiction côtoie des moments forts de l’Histoire, la respecte et se garde bien de la détourner ou de la pervertir.
L. : M. Benamara, vous êtes l’enfant de la Casbah, votre âme est restée entachée de ce lieu, ce temps, en plus de vos différents acquis et expériences à travers le monde… votre écriture est-elle universelle par votre regard muri ? Comment ? Vos ouvrages sont-ils connectés ?
K.B. : En effet, je suis né à la Casbah d’Alger, cette casbah si pittoresque et mystérieuse, du moins la Casbah de mon enfance. Depuis, j’ai tout comme l’impression qu’elle a beaucoup perdu de ses charmes ; non pas parce qu’elle a vieilli mais surtout parce qu’elle a été négligée, méprisée et laissée à l’abandon. Une vieille connaissance depuis disparue et qui aimait tant cette médina s’en était désolée jusqu’à en pleurer. C’était Himoud Brahimi dit Momo. Toute sa vie durant, il avait défendu, aimé, glorifié la Casbah. Il a vu le jour aussi en 1918, rue Kleber. Ne s’exclamait-il pas dans un poème : « Aucun lieu sacré ni aucune capitale ne saurait réunir ce que chaque matin, le lever du jour t’offre comme guirlande ».
La Casbah était pour le gamin que j’étais un endroit magique, de nuit comme de jour. Je m’y sentais chez moi et j’étais à l’aise parmi tous les gens ordinaires qui y vivaient. Mon impression alors était que le temps ne s’y écoulait pas ; il était en suspens. Tout baignait dans le fantastique. Les adultes avaient peut-être une autre vision de cette médina car ils faisaient face, eux, à un grand nombre de tracas. La misère, le chômage, l’absence d’espoir causaient aux âmes humbles qui y vivaient énormément de soucis. Le taux démographique élevé et l’arrivée incessante de malheureux en provenance du bled, fuyant la misère, n’arrangeait pas les conditions de vie déjà très précaires des habitants de la Casbah. Quant à nous, enfants, nous ne faisions attention ni aux difficultés qui tourmentaient nos aînés ni aux contraintes qu’ils subissaient. Nous avions bien d’autres préoccupations. Notre imagination fertile nous aidait à traverser les moments difficiles, sans trop de dégâts. L’insouciance n’est-elle pas le propre de l’enfance et nous ne faisions pas exception.
Je suis venu au monde en pleine Seconde Guerre mondiale et l’Algérie était alors française. Le fait que je sois né dans un abri, alors que la ville d’Alger était bombardée par des avions allemands, reflétait éloquemment l’air du temps. L’époque était très trouble et agitée.
Dans ce livre récent, je décris l’atmosphère qui prévalait alors et les conditions de vie des habitants de la Casbah. Un homme, Hakim, personnage principal dans le livre, un être fictif mais qui s’inspire du réel, permet au lecteur de découvrir la réalité de la vie en ce temps-là. Il aide à jeter de la lumière sur les événements historiques qui ont marqué l’Algérie. Hakim aimait tant la vieille médina où il était né et il ne l’aurait pas échangé pour rien au monde.
Quant à moi, parti très jeune, à peine 20 ans, pour découvrir le monde, oublier le cauchemar de la guerre d’Algérie, et tenter de construire ma vie, mon lieu de naissance m’est toujours très cher et a une place spéciale dans mon cœur. La Casbah me hante encore car elle a été le témoin affectueux de mes premiers pas et de mes rêves d’enfant. Depuis, j’ai beaucoup vu, beaucoup appris. J’estime néanmoins, en ce qui me concerne, que tout écrivain quand il réussit à toucher notre humanité, quelle que soit la manière dont il écrit, est universel et intemporel. La littérature permet de comprendre l’homme. Et peu importe alors l’époque et le lieu où l’écrivain a vécu. Il n’écrit pas dans le seul but de faire profiter les lecteurs de ses talents, mais aussi pour leur permettre une meilleure connaissance des hommes et du monde.
On écrit pour apporter un éclairage sur l’histoire des hommes, sur leurs soucis, leurs inquiétudes. Les hommes de lettres ont souvent écrit pour nous édifier sur les injustices qu’ont subies les hommes, que le phénomène soit de leur culture, de leur pays ou non. La littérature leur permet de faire vivre le passé pour que personne ne l’oublie et pour qu’on puisse en tirer des leçons.
Tous les livres que j’ai écrits après avoir pris ma retraite ont des liens avec l’Algérie, son histoire et son évolution. Jusque-là, complètement immergé dans mes activités professionnelles, les livres et les articles que j’ai écrits étaient concernés par des sujets à caractère économique.
L. : Dans vos ouvrages, vous zoomez sur des acteurs méconnus à l’instar de certains Autrichiens qui n’étaient pas seulement des observateurs pendant la guerre d’Algérie, mais jouant un rôle par l’art ou autres moyens en épousant la cause algérienne… n’a-t-on pas fini avec les récits du passé surtout quand on sait que le passé bâtit le présent ?
K.B. : J’ai eu le privilège de voir quelques-uns de mes articles publiés dans le magazine littéraire « L’ivrEscQ » dans les années 2015 et 2017. Ces articles concernaient à la fois l’Algérie et l’Autriche, deux pays qui ont connu des moments ou des causes qui les ont rapprochées. Je suis membre moi-même d’une association Algéro-Autrichienne (ÖAG). Elle a été fondée en 1953 par un ingénieur autrichien, Reimar Holzinger, ainsi que par des sociaux-démocrates autrichiens, en geste de soutien à la lutte de libération de l’Algérie. Les fondateurs ont ainsi prêté leur concours dans les domaines tant politique qu’humanitaire. J’ai raconté leur histoire dans un livre intitulé « Solidarité en Action », publié à Alger en 2013 par les Éditions Barkat. Parmi les sociaux-démocrates, il faut signaler des personnalités comme Bruno Kreisky, ministre des Affaires étrangères et futur Chancelier d’Autriche, Karl Blecha, ministre de l’Intérieur, Rudolph Kirchläger, futur président de la république autrichienne et bien d’autres.
Les articles en question décrivaient des moments de rencontre sur le plan artistique entre l’Algérie et l’Autriche : un article portait sur l’impact de la guerre d’Algérie sur les œuvres d’un peintre viennois, Otto Rudolph Schatz ; un autre article s’est penché sur les créations artistiques d’un autre artiste autrichien, un sculpteur, Friedrich Goldscheider, inspirées par l’Afrique du Nord et en particulier l’Algérie. Un troisième « L’Islam dans l’autre Europe » portait sur le parcours d’un imam viennois d’origine Bosniaque, Ismail Balic, et sur son action pour promouvoir un Islam progressiste, en phase avec le monde moderne. Cet imam a été très actif dans les actions de soutien à l’Algérie combattante.
J’ai eu par ailleurs l’honneur d’être invité par des institutions autrichiennes, comme l’Institut d’histoire contemporaine au sein de l’université de Vienne, et par des associations d’intellectuels autrichiens, pour donner des conférences sur le thème général de l’Histoire et en particulier celle de l’Algérie. L’intérêt porté par les Autrichiens a été remarquable et encourageant.
D’autres conférences avaient pour thème les problèmes économiques et financiers que connaît le monde. Je suis économiste de formation, ayant fait mes études d’économie aux États-Unis d’Amérique et j’ai été fonctionnaire au Fonds monétaire international basé à Washington D.C. pendant une douzaine d’années. Cette institution internationale qui regroupe 190 pays a pour objectif de « promouvoir la coopération monétaire internationale, garantir la stabilité financière, faciliter les échanges internationaux, contribuer à un niveau élevé d’emploi, à la stabilité économique et faire reculer la pauvreté ». J’ai ainsi été invité à participer à des colloques et séminaires qui avaient pour but d’examiner le rôle de l’Europe en général et celui de la Commission européenne en particulier.
Un sujet en particulier a retenu l’attention des participants a été celui du néolibéralisme. Ce terme désigne aujourd’hui un ensemble d’analyses ou de doctrines inspirées du libéralisme économique. Elles dénoncent le poids de l’État-providence dans les pays développés après 1945 et de l’accroissement des interventions publiques dans l’économie ; elles mettent en avant la promotion de l’économie de marché au nom de la liberté de l’individu et du développement économique ; et elles appellent à la dérégulation des marchés et la disparition progressive du secteur public au profit du privé. En bref, le néolibéralisme est traversé par l’idée selon laquelle « on gouverne toujours trop ».
Comme les participants étaient des sociaux-démocrates pour la plupart, il n’était pas surprenant de constater que leur perception du néolibéralisme fût celle d’une tendance négative associée à la dérégulation, au démantèlement des États, au repli sur soi qui s’opérerait au détriment du sens du politique et de la loi, de la construction de la vie en commun, de la reconnaissance mutuelle.
Pour en revenir au dernier ouvrage publié au mois de septembre de cette année, une grande partie de ce livre couvre des événements qui se sont déroulés en Europe et par conséquent en Autriche. Le récit parcourt la première moitié du 20e siècle qui a été une période dramatique pour ce continent. Ce fut une époque très agitée et démesurément tourmentée. Elle a eu des conséquences tragiques en Algérie même, alors colonie française. Ces répercussions sont dépeintes dans le livre.
J’ai lu et j’ai été inspiré dans la rédaction de cet ouvrage par un philosophe et mathématicien autrichien, né à Vienne, Ludwig Wittgenstein (1889 -1951). Son œuvre majeure « le Tractatus logico-philosophicus » est influencée à la fois par la lecture du philosophe allemand, Arthur Schopenhauer, du philosophe danois, Sören Kierkegaard, et par le mathématicien britannique Bertrand Russell, Wittgenstein montre les limites du langage et de la faculté de connaître de l’homme. Pour ce philosophe, l’Histoire est un langage qui délimite les frontières de notre monde. En la connaissant, il nous est permis d’élargir notre vision de ce monde et aussi de voir la vie d’une manière différente. En effet, aujourd’hui plus que jamais, nous risquons d’oublier d’où nous venons, qui sommes-nous, et où allons-nous.
L. : Pouvez-vous expliquer le titre ?
K.B. : Écrire un livre, c’est comme donner naissance à un enfant. À cette occasion, il y a un moment angoissant qui nous saisit à l’instant où il faut lui donner un nom. L’exercice de trouver un titre n’est pas anodin, il est certainement critique et lourd de sens. Je n’ai pas pensé à un titre avant d’entamer l’écriture de l’ouvrage. Certains écrivains l’ont déjà en tête avant même d’avoir abordé l’écriture. Pour ce qui me concerne, il vaut mieux établir le titre une fois que le livre est définitivement terminé. Au fur et à mesure que j’avançais dans la rédaction de l’ouvrage, des titres se présentaient à moi, nombreux. En fait, une fois que j’eus terminé, j’en avais sélectionné cinq. Lequel choisir ? Je n’étais pas à vrai dire satisfait. Un titre est comme une identité, il faut qu’il soit unique dans la mesure du possible et il doit informer le lecteur quant au contenu de l’ouvrage. Certes, un titre ne permet pas à lui seul de comprendre l’ensemble d’une synopsis, mais il peut donner néanmoins une idée de ce que contient le roman en question. Il doit susciter la curiosité, donner au lecteur l’envie de s’intéresser au livre. Il doit contenir une part de mystère qui pousse ce lecteur à vouloir en savoir plus.
J’ai finalement résolu le dilemme en relisant récemment L’Odyssée, un livre qui m’a toujours envouté où l’aède Homère raconte une épopée grecque antique. Comme vous le savez très bien, L’Odyssée relate le retour chez lui du héros Ulysse, qui, après la guerre de Troie dans laquelle il a joué un rôle déterminant, met dix ans à revenir dans son île d’Ithaque. C’est ainsi que j’ai eu l’idée d’intituler mon livre ; « Alors, raconte… ». Les trois points de suspension qui suivent le titre signifient tout simplement que les histoires seront nombreuses. Je me voyais comme un aède, un rhapsode grec, un griot africain. Après tout, qu’est-ce qu’une histoire ? C’est une description narrative d’un évènement ou d’une séquence d’évènements. Elle peut être vraie ou fictive. Une histoire ajoute de l’émotion, des personnages aux simples faits. Elle nous captive, nous entraîne et par conséquent, tout au long de l’intrigue, elle livre son message clé.
L. : Quelles sont vos influences littéraires ?
K.B. : Comme je l’avais indiqué lors de la parution de mon premier livre – « Éclats de soleil et d’amertume » – je ne suis pas à proprement parler un écrivain ou plus exactement un littéraire, c’est-à-dire une personne qui est habile dans l’art d’écrire ou qui en fait son métier.
J’ai eu une formation d’économiste et toute ma vie professionnelle était ancrée dans cette discipline. Ce n’est qu’une fois à la retraite que je ne suis engagé dans l’écriture. Mon entrée en « littérature » a été tardive et inopinée.
Il faudrait quand même que je l’avoue que la littérature m’a toujours fasciné. Très jeune, à 20 ans, en fait, peu de temps après que j’eus décidé de quitter le pays qui venait d’acquérir son indépendance, j’ai eu l’agréable surprise de voir une nouvelle que j’avais rédigée publiée dans un hebdomadaire algérien qui ne paraît plus, « Révolution africaine ». Récit très bref qui faisait appel à la réalité dont j’avais été témoin pendant la guerre d’Algérie. Elle mettait en scène l’action menée par un seul personnage, un coiffeur dont le salon jouxtait l’immeuble où je résidais. Il avait été tué par les parachutistes français. Ramdane, c’était son nom, était un militant du FLN, le front de libération nationale. La nouvelle en question avait été précédée d’une introduction qu’un ami, étudiant en médecine à l’époque, avait composée. Cet étudiant s’appelait Laadi Flici et avait connu une fin tragique en mars 1993, assassiné dans son cabinet de médecin à la Casbah. Il habitait dans un immeuble qui faisait face au mien et il avait déjà fait paraître un certain nombre de poèmes. Quand il m’avait soumis cette introduction, j’avais renâclé à sa lecture car je la trouvais trop laudative, même exagérée. Je réussis à le convaincre de la modifier. En effet, il y comparait mon style à celui de l’écrivain américain William Faulkner. J’avais lu quelques livres de cet écrivain et inconsciemment peut-être j’avais été conquis par l’usage qu’il faisait de la technique du flashback, ou retour en arrière, cette technique qui était un bon moyen d’ajouter de la profondeur à un écrit, de dévoiler un peu au lecteur les personnages d’un roman. C’est un procédé d’écriture qui, au sein de la continuité narrative, introduit une action qui s’est déroulée chronologiquement avant la péripétie en cours.
J’ai eu des rencontres multiples avec des influences très diverses. Comme disait le poète anglais (1572-1631) John Donne qui affirmait dans l’un de ses textes majeurs que « No man is an Iland, intire of it selfe; every man is a peece of the Continent, a part of the maine », « Nul homme n’est une île, un tout en soi ; chaque homme est part du continent, part du large ». Mes premières influences littéraires remontent à la jeune enfance. Ma première découverte fut faite dans la lecture des fables du poète français Jean de La Fontaine et dans les contes populaires allemands des frères Jacob et Wilhelm Grimm.
Il y avait à Alger, près du centre-ville une bibliothèque municipale ou je me rendais souvent. J’étais émerveillé par tous les ouvrages qui remplissaient les étagères. Je les lisais sur place car je ne pouvais les emprunter ; le système de prêt n’était pas appliqué dans cette bibliothèque à cette époque. Après cela, j’ai découvert la vaste œuvre des contes des « Mille et Une Nuits. » C’est ensuite la rencontre avec Victor Hugo pour qui j’ai toujours eu de l’admiration, Alexandre Dumas, et d’autres auteurs français. Vinrent plus tard d’autres écrivains, des américains pour la plupart. Je fis connaissance d’Edgard Allan Poe, une des principales figures du romantisme américain ; Nathaniel Hawthorne dont les nouvelles sont généralement des allégories morales avec une représentation picturale du monde, riche et fantastique ; Fenimore Cooper, romancier et nouvelliste. Ce dernier était auteur d’histoires sur l’aventure de la frontière, ce que les Américains désignaient du terme de Wild West, et il est souvent considéré comme le père des romans d’aventure. Un livre en particulier avait fait une grande impression sur moi. Il était d’une autrice américaine, Margaret Mitchell. Son ouvrage, « Autant en emporte le vent », est une grande fresque historique sur la guerre de Sécession tout en étant un roman d’amour.
Plus tard, en pleine guerre d’Algérie, j’étais très attiré par les écrits sur cet épisode tragique qu’a connu notre pays. J’avais trouvé un moyen d’y avoir accès grâce à quelqu’un qui est devenu mon ami malgré la différence d’âge et d’opinion ; un gars de mon quartier qui avait choisi de s’enrôler dans l’armée française. Il était lieutenant dans un corps spécial, celui des bérets noirs. Il se débrouillait pour me procurer des livres interdits en Algérie. Il est mort dans un accrochage avec des patriotes algériens en 1961. C’est ainsi que j’ai pu lire « La Pacification » de Hafid Keramane, « L’Algérie hors la loi » de Francis Jeanson, « La Question » d’Henri Alleg et « La Gangrène », un témoignage de cinq étudiants algériens torturés par la police française. Je suis ainsi passé des influences littéraires à l’influence de l’histoire et mes derniers écrits ont reflété cet ascendant.
Un nouveau livre de Kader Benamara vient de paraître aux éditions NewAcademicPress à Vienne, Autriche.
Intitulé Alors, raconte… Des histoires algériennes, il est disponible sur Amazon. Chez le même éditeur viennois d’un autre livre paru en février 2021 : Alilou – L’homme et sa circonstance- Guerre d’Algérie et bleuïte.
Les histoires rapportées dans ce dernier livre couvrent des événements qui ont beaucoup marqué à un certain moment l’Algérie. Se plonger dans cette période particulière de l’histoire de ce pays, et s’y mouvoir librement, est la promesse d’une récolte de riches enseignements. Le projet est simple et consiste en des pérégrinations, des avatars et des péripéties brûlantes.
Ce qui est proposé ici au lecteur est une entreprise captivante à travers l’Histoire, cette connaissance du passé qui n’est rien d’autre que le mouvement des choses.
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