Soudain, le poète nous quitte. Hamid Skif est monté aux cimes des cieux vers l’au-delà. Il flairait déjà la mort : «La mort plante ses canines dans la chair des plus jeunes», écrit-il dans Nouvelles d’Algérie aux éditions Apic, auprès de ses acolytes écrivains, oeuvre présentée dans cette édition de L’ivrEscQ. Parfois l’horizon se teinte de peur et d’angoisse par la pâleur de la mort, mais la force de l’écrivain abolit cette nappe funèbre en incarnant une forme d’absolu. Adieu cher ami, poète !
Skif, Gréki, Djaout, Mammeri et tant d’autres écrivains ne sont plus de ce monde ici-bas. Ils scintillent du plafond céleste ou plutôt dans ce numéro de L’ivrEscQ, car dans la rubrique Dégustation de feuilles printanières, nous présentons Mouloud Mammeri, Entretien avec Tahar Djaout; nous comprenons que la force de leurs mots demeure encore immuable par leur verve incisive, et ne compatit nullement avec les espaces quasiment désertés par nos écrivains actuels. Néanmoins, nous croyons que livre après livre, le verbe impose les rênes dans la littérature algérienne contemporaine. Des romans racontent des histoires d’amour et des engagements qui mettent en scène la souffrance des personnages pour poser au lecteur des questions existentielles. On voit défiler dans le reflet du quotidien sa vie sans que nous nous questionnions sur nos origines ancestrales. Avec une élégance et une habilité sereines Mouloud Mammeri, dans le Dossier de cette édition, en perpétuelle quête, s’interroge sur les origines avec des valeurs universelles. Il interroge la culture berbère qui a résisté à de multiples assauts. L’auteur aime l’introspection, l’Histoire, les regrets inavoués et les secrets de famille… Ses écrits donnent vie et crédit à un univers d’idées intellectuel par son travail réflexif et analytique vu sous un angle éminemment littéraire en constituant la matière élémentaire de notre littérature classique.
Zoubeida Mameria est prodigieuse, elle poursuit dans la même lignée sa quête de paix. Elle se délecte de sa plume, et rattrape tout ce temps où elle avait probablement écrit en laissant dormir son verbe au fond de ses tiroirs ou précisément dans la boîte à Pandore où les secrets de Amar et sa lignée comme dans la mythologie grecque répandent les maux de l’ère des guerres. L’écrivaine est à découvrir absolument à travers son roman L’Envers de la médaille ! Elle voit au-delà des mots par une plume qui virevolte, taquine, heurte, rapproche, cite, nargue, et nous ressort des secrets cachés au fond d’une «sedda». Sacré vocable que nous n’utilisons plus dans notre langage actuel ! En perpétuelle quête douloureuse d’un temps de l’entre-deux-guerres, elle nous plonge dans les méandres de l’histoire. De Zoubeida Mameria à Akli Tadjer, le pari de reprendre des fragments de notre histoire à travers un thème qui prédomine demeure la guerre. La guerre échappe aux spéculations humaines. Peut-on fantasmer ou se targuer que les guerres sont justes ! Quasiment dos-à-dos, nos deux auteurs dans la rubrique Romans algériens de cette édition nous donnent du fil à retordre d’un temps qui paralyse l’esprit d’examen. Chez certains écrivains, la guerre semble une lubie. Chez d’autres, sans flottement ni parti pris, elle est l’infâme agissement qui choque la raison et déshonore l’espèce humaine.
L’art de raconter, comme dans Les Mille et une nuits, est né de la peur de mourir. Chaque nuit, Shéhérazade narrait une nouvelle histoire pour obtenir le sursis d’une journée de vie. Seulement, il arrive que la peur de vivre soit pire que la peur de mourir. Mario Vargas Llosa, lauréat du prix Nobel de la littérature 2010, nous entraîne à travers L’entretien de L’ivrEscQ dans le monde littéraire latino-américain qu’il nous le relate dans sa vicissitude et ses rebondissements. Sartrien au commencement de sa carrière, camusien plus tard, nous révèle-t-il notamment, sous une note d’humour. Il brosse un tableau d’une époque et des lieux : Pérou, Chili, Bolivie, Colombie et le reste de cette contrée de l’Amérique latine bouillonnaient dans les années 1960. C’est un pur bonheur de voyager avec un écrivain de cette trempe! Fou de lecture, il dévorait tout jeune les classiques du XIXème siècle : Hugo, Stendhal, Balzac, Flaubert…
Vargas Llosa souhaite être lu et découvert par le lectorat algérien. Nous nous joignons à cette attente de voir le livre revenir dans la vie du commun des Algériens, avec le pari de le promouvoir sans relâche.
Bonne lecture !
Et bon surf sur www.livrescq.com
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