J’ai tenté de me conformer à l’intitulé du colloque et à celui de mon intervention mais comme je ne tiens pas à dévoiler Le châle de Zeineb, j’ai pris la liberté de reconstituer le cheminement emprunté pour son écriture.
La littérature de l’Algérie, parce que porteuse d’une pluralité identitaire, va naturellement à la rencontre de la littérature de l’Ailleurs. La mondialisation a ouvert le champ des impossibles d’hier. Gabriel Garcia Marquez est mort, le monde entier s’en émeut et le pleure.
Mieux que tout autre, l’écrit rapproche les hommes dans une communauté qui les transcende, celle du texte, celle des mots. Selon moi, on s’engage dans l’écriture comme on s’engage dans une venelle obscure au bout de laquelle tremble une lueur. Tout y est à la fois inconnu et familier. L’écrivain s’y engouffre, captivé par les rencontres qu’il y fait. Il y croise les siens, émergeant du fond des âges, surgissant du futur ou vaquant au présent. Les personnages des livres qu’il a lus vivent aussi dans un grand désordre d’époques et de lieux, leurs parcours se mêlent et de cette conjonction naît en lui un profond désarroi car pétri du tragique qui habite à demeure le destin de l’homme et cet endroit singulier.
Il entend le fracas des armes qui parlent haut et fort, une avalanche de mots déferle : guerre, assaut, combat, razzias, «enfuma des», tueries, occupation. Il ressent, comme dans sa chair, la douleur des siens écrasés par des vocables pesants : colonisation, ségrégation, acculturation, assimilation…
Des voix s’élèvent qui déchirent le silence, qui recouvrent l’errance, elles empruntent la parole à l’écrivain qui la leur donne : «Qui sommes-nous ?»
Voix de Mouloud Feraoun :
«Mais qui suis-je bon Dieu ? Se peut-il que tant qu’il existe des étiquettes, je n’ai pas les miennes ? (…) Qu’on me dise ce que je suis ! »
Arezki émergeant du Sommeil des justes raconte la même et douloureuse quête qui hante ses nuits :
Voix de Mouloud Mammeri :
«Il tombait dans un trou et le trou était sans fond (…). L’impression d’être privé d’appui et d’errer au milieu des jours et des gestes sans havre, comme sans étoiles, étourdi ou ivre, assommé.»
Des mots qui accablent. Infériorité. Peur. Acculturation. Exclusion. Indigène. Intégration. Impérialisme. Aliénation….
Voix de Mohammed Dib :
«Tu te crois peut-être libre de ta personne. Mais ton peuple ne l’est pas. Alors tu n’es pas libre toi non plus. Car hors du peuple, tu n’existes pas.»(…)
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