« Comme le titre de mon premier roman l’indique, j’ai besoin de jeter un pont entre mes deux pays »
L’ivrEscQ : Nous sommes ravis de vous rencontrer dans un espace où le livre bouge, où le livre est au rendez-vous. Vous êtes native des Aurès, vous avez à votre actif deux ouvrages : La Chaouïa d’Auvergne et Fille de Chemora. À quel besoin, au plus profond de vous, répondent ces deux romans biographiques ?
Liliane Raspail : Ce qui me tenait le plus à cœur, c’était de revendiquer mes deux racines. Je suis donc partie de la source : mon amour pour ce pays. Cela a commencé avec mes parents, bien évidemment. Mon père est né en Algérie, du coté de Constantine. Quant à ma mère, issue d’une famille de paysans très pauvres, elle est arrivée en 1919 d’Auvergne. Mon grand-père maternel (au caractère aventurier) avait été sollicité par un proche, garde forestier, installé au pied du djebel Chélia afin d’entretenir ses terres. Je raconte donc leur installation en Algérie, dans La Chaouïa d’Auvergne.
L. : Vous racontez cette épopée avec beaucoup d’émotion. L’Algérie est en fait une terre qui vous a marquée presque génétiquement, avant votre naissance déjà…
L. R : J’ai, en effet, un lien quasi-charnel avec ce pays. J’y ai vécu la période la plus heureuse de ma vie : mes dix premières années d’existence. Il faut bien comprendre le contexte. Le racisme n’était pas « méchant », insidieux, hiérarchique. Il y avait une certaine distance entre les communautés. L’enfant que j’étais, ouverte et heureuse, transgressait tous les interdits. Mes grands-parents, éduqués sévèrement jusqu’à vouvoyer leurs parents, avaient été mis en garde à leur arrivée : il ne fallait pas fréquenter les « Arabes ». Mais moi j’allais dans les « gourbis » où j’étais acceptée et me sentais « chez moi ». J’en témoigne dans Fille de Chemora.
L. : Pourquoi est-ce si important pour vous de témoigner de cette époque de votre lignée ? Comment en êtes-vous arrivée à l’écrit ?
L. R. : Suite au divorce de mes parents, je quitte le village et l’Algérie à l’âge de douze ans. Cela a été un véritable drame. Une double déchirure. J’ai donc commencé à coucher sur papier ce qui était essentiel pour moi. Je parlais des « Arabes », des champs de blé, des chevaux. Jusqu’au jour où, reprenant tous mes cahiers et, mariée à un Algérien, j’ai pris conscience de ce que tout cela impliquait : un écartèlement entre mes deux piliers. J’en ai parlé à ma mère qui m’a raconté son aventure avec un superbe Arabe, Sahraoui, représentant du peuple algérien dans toute sa noblesse. Pour moi, cet amour représente l’échec lamentable de communion de ces deux communautés de l’époque. J’étais atterrée que ma mère n’ait pas épousé « son » homme. Elle m’a expliqué qu’à l’époque, c’était impossible. Elle devait donc fuir. Ce fut aussi le drame des pieds-noirs. Des Algériens aussi à qui la France a menti pendant cent trente-deux ans sur leurs droits et statuts. J’avais une forte envie de dénoncer cela avec la bénédiction de ma mère.(…)
Une Réponse pour cet article
coucou Liliane …je viens d’ apprendre que tu serais ma cousine ( je suis la fille de gabriel raspail, ton oncle et liliane raspail.. j’ aimerais beaucoup que tu prennes contact avec moi et que nous parlions de la famille … bien amicalement .. chris
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