Alger, jeu de la mort et du hasard
Avec Alger La Noire, Maurice Attia signe le premier tome d’une trilogie trépidante. Il y raconte une époque, celle de l’Algérie de 1962, où les algérois commencent à entrevoir le crépuscule de la guerre. Mais la guerre est longue surtout vers la fin. Quelques mois avant le cessez-le-feu, sur la plage Padovani à Bab El Oued, un couple mixte est retrouvé assassiné dans une mise en scène des plus sordides : un melon, nom attribué aux indigènes, et une française, fille d’un notable reconnu, tous deux exécutés. L’enquête prend alors une autre tournure. Lorsqu’un Arabe est tué, cela fait partie des dommages collatéraux d’une guerre désignée encore comme « évènements d’Algérie », quant à l’assassinat d’une française, cela justifie que l’on s’attarde davantage sur le meurtre. En temps de guerre, les priorités changent et le crime de deux jeunes gens se noie dans l’hécatombe guerrière.
Paco Martinez et Maurice Choukroun, deux flics désabusés, mènent l’enquête. Le premier est espagnol, fils d’anarchiste nourri par le mythe d’un père martyr, l’autre est un juif déraciné. Peu de temps après, Paco mène sa barque seul après l’exécution de son coéquipier et ami Choukroun. Il entame lentement mais sûrement sa descente aux enfers. Car, à Alger, l’enfer est partout et consume tout le monde. Il se lance dans un acharnement frénétique, voire suicidaire à la recherche des commanditaires de ce crime, ainsi que celui de la bombe du Casino qui avait mutilé la femme qu’il aime, Irène. Comme si ce déraciné s’adonnait à la quête de son histoire personnelle, hantée par un père fantôme, une mère absente, et une grand-mère accaparante par son amour, devenue un fardeau après sa démence sénile. L’OAS, revendicatrice de ce meurtre fait régner une terreur effroyable sur Alger. Organisée en milice, elle n’a plus rien à perdre, et s’acharne dans sa logique sanguinaire jusqu’au boutiste sans distinction aucune entre Français, Arabes, et Pieds-noirs. Le climat de terreur qu’elle instaure, laisse place à l’omerta et aux suspicions des uns et des autres. Dans une guerre, il faut choisir son camp, sinon « on » se chargera de le choisir pour vous : « ni gaulliste, ni pro-FLN, ni pro-OAS, ni rien… Je n’étais rien dans un pays où il fallait choisir son camp ». Même si elle ne tue pas, la guerre « vous vieillit prématurément », elle fane les amours, écorne les principes et valeurs, et fait émerger les instincts les plus primitifs en l’homme. Alger la blanche est la ville où les amours et les amitiés éclosent, où l’anisette coule à flots au bar des Arènes, et où la bourgeoisie dorée se prélasse sur les plages exquises de la Madrague. Alger La Noire, est l’envers d’une ville qui enferme dans ses écrins ses secrets, ses maisons closes et leur procession de perversité, ses ghettos de « bougnoules », et ses inlassables strouga (explosions au plastique), « noir comme cette ville qui enchaînait les deuils et les chagrins ».
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