Mahmoud Darwich est poète de l’exil. Il fut d’une conscience aiguë du fait de son statut de sym¬bole, de légende tant du point de vue thématique que formel : poète donc, avant tout… Au sujet de la poé¬sie, et comme Dans les fleurs d’amandiers ou plus loin, Mahmoud Darwich répond, à sa manière, à la célèbre question d’Adorno (est-il encore possible d’écrire un poème après Auschwitz ?) Une question qui résonne encore et toujours : «est-il encore possible d’écrire un poème en notre époque de sauvagerie ?» Le poète répond : «Est-il encore possible d’écrire un poème ?
Comment peut-on être au même moment à l’intérieur et à l’extérieur du réel ? Comment peut-on contempler et s’engager à la fois ? Comment peut-on poursuivre la per-manente tentative : recréer le monde grâce à des mots, grâce à la vitalité éternelle? Et comment sauver ces mots de la banalité, de la consommation de tous les jours ?
Sans doute avons-nous besoin, aujourd’hui plus que ja¬mais, de la poésie ! Afin de recouvrer notre sensibilité, notre conscience, notre humanité menacée et notre ca¬pacité à poursuivre les plus beaux rêves de l’humanité : celui de la liberté, celui de la prise à bras-le-corps du réel, celui de l’ouverture sur le monde et celui de la quête de l’essence.
Sans aucun doute la poésie est capable aujourd’hui de rattraper son évidence, après qu’elle s’en soit éloignée dans une abstraction qui risquait d’aboutir à la feuille blanche. La poésie n’explicite que son contraire. C’est le non-poétique qui nous donne à voir le poétique.
La poésie est-elle capable, aujourd’hui, de se retrouver tant la clarté de son contraire est excessive ?
Peut-être, car la poésie, ce moyen particulier de sup¬porter la vie et de se la concilier, est aussi une méthode qui nous permet de résister à une réalité inhumaine qui écrase l’évidence de la vie. En dépassant l’aspect extérieur des choses, en chipant la lumière tapie dans l’obscurité, en désespérant du désespoir, la poésie nous protège de la haine et de la fureur. Sa fragilité crie, afin de nommer. Elle blesse, sans faire couler le sang.»
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