L’ivrEscQ : La 7ème édition de l’Euro-Maghreb autour de la littérature. Sept ans déjà. Un rendez-vous qui réunit les écrivains. Le Maghreb rencontre l’Europe en Algérie pendant deux jours pour des échanges littéraires. La nouveauté pour cette édition de 2015 est que, ce rendez-vous a lieu au cœur du Salon International du Livre d’Alger… d’abord comment se préparecet événement ?
Marek Skolil : Il faut bien comprendre que la Délégation de l’UE n’est pas une agence artistique ou littéraire, mais bien une mission diplomatique. Par conséquence ce que nous recherchons c’est avant tout de pouvoir favoriser les rencontres et les échanges entre les écrivains et intellectuels européens et leurs homologues algériens et maghrébins, sans oublier les jeunes et le grand public. Vous avez dû constater que nous avons accompagné l’Escale littéraire d’Alger, qui vient juste d’avoir lieu, parce que nous estimons que c’est avant tout une rencontre entre les gens de lettres européens, en occurrence français et algériens et leurs publics respectifs. Cependant nous ne prétendons à aucune spécialisation ou compétence littéraire, nous ne sommes pas intéressés par les rencontres purement académiques. De même, comme vous venez de le remarquer, cette édition des Rencontres euromaghrébines des écrivains se dérouleront au cœur du SILA, pour favoriser les rencontres avec les lecteurs algériens. Nous avons beaucoup de respect pour le SILA, qui est un véritable succès populaire et nous espérons pouvoir modestement augmenter le nombre des écrivains qui vont venir en nous associant directement à la 20ème édition du SILA, mis à part d’y animer un stand ensemble avec certains centres culturels européens rassemblés dans l’EUNIC. Le risque c’est de noyer les Rencontres dans la marée humaine ; mais cela vaut la peine. Les écrivains qui sont là se rencontrent, aussi c’est intéressant qu’ils découvrent le monde des livres, les acteurs des livres, les passionnés des livres en Algérie.
L. : La vie est-elle un polar ? M. S. : Pour cette édition des rencontres, après de longues hésitations et discussions, nous avons choisi le thème « Autour du polar » d’abord parce que c’est un genre littéraire presque universel et on dirait de plus en plus populaire, mais aussi parce que nous croyons qu’au-delà du genre proprement dit, le polar interpelle beaucoup de monde comme une métaphore. Il ramène à un univers qui fascine et fait peur à la fois, joue sur le suspens, l’énigme et même un univers des frissons mais en touchant à quelque chose d’universel – la rencontre du bien avec le mal, de l’aspiration plus ou moins noble avec la banalité du crime, de la dissimulation avec le courage, de la nuit avec le jour, mais toujours dans une narration où toutes les solutions restent possibles. Je ne veux pas entrer dans la profondeur du monde imaginaire de la littérature policière ; en revanche, qui d’entre nous n’a pas vu ou lu un polar, un thriller dans sa vie ! Vous savez autant le thème de l’année dernière, c’était connaître l’autre par l’Ailleurs, l’Ailleurs de l’illustre Milan Kundera, autant le polar pour cette année, permet de prendre un moment de plaisir en débattant autour de ce genre littéraire. D’autant plus que le polar prospère surtout au Nord, en Europe, et donc, comme je vous le dis c’est un moment des échanges entre écrivains. A mon sens, le thème ou le genre ne sont pas aussi importants que la rencontre elle-même.
L. : Comment se fait le choix du thème entre les pays membres ? M. S. : Comme l’année précédente, nous avons consulté les diplomates des pays européens et puis réunis quelques amis autour d’un repas plutôt convivial pour tester les idées en l’air. Nous avons hésité entre le thème de la jeunesse, certes un peu galvaudé, mais que nous souhaitions exploré sous un double slogan de « Le roman de jeunesse et la Jeunesse du roman » et le polar qui a été proposé déjà l’année d’avant. La balance a penché pour le polar, mais
Ambassadeur Chef de Délégation de l’UE en Algérie j’espère que la jeunesse reviendra à son tour la prochaine fois. Encore une fois, ce qui compte vraiment pour nous c’est de stimuler, voire de provoquer un débat intéressant, passionné, même s’il va dans plusieurs sens au lieu de nous adonner aux discussions trop théoriques. Notre ambition c’est de nourrir un bon dialogue interculturel qui met les participants au-devant de nos différences, mais aussi de notre vécu commun ou similaire, au-delà des distance et barrière géographies ou culturelles. Et pour cette édition, précisément au SILA, Le débat autour du polar promet une telle rencontre. Souvent par la forme romanesque, il y a une résolution. Autour de ce qui nous menace, il y a un héros, un antihéros. Le thriller peut être intellectuellement stimulant, tout dépend de la volonté ou de l’état d’âme de l’auteur ou de lecteur.
L. : Pourtant, la culture européenne de certains pays membres prospère en Algérie ? A l’exemple de La France, l’Espagne, l’Italie… Est-ce que l’Union Européenne a la même politique ? Nous sommes des Méditerranéens, et cet endroit de la planète réunissant les peuples depuis toujours, que garde-t-on des rendez-vous littéraires entre le Maghreb et l’Europe ? M. S. : Bien évidemment, chaque pays a son approche dans sa politique avec l’Algérie, en fonction de sa proximité géographique et culturelle et de son histoire. Au niveau européen, quand nous travaillons ensemble nous voulons avant tout tisser les liens avec l’Algérie, de faire découvrir au public algérien la diversité de la culture européenne, mais aussi aux participants européens la richesse de la vie culturelle et surtout littéraire ici. La vitalité de l’édition algérienne, que je connais avant tout en français, est remarquable. Il suffit de voir les nouveautés. Sans compter ce qui se publie en langue arabe. Sur le plan régional et même globalement, nous vivons dans un monde, dans une époque qui ne nous donne pas tous les jours les raisons de nous enthousiasmer. De mettre en exergue cette vitalité, ça nous fera du bien à nous tous. Il est impensable de resterchacun dans son coin !
L. : Un souhait à exprimer pour cette septième édition euromaghrébine ? M. S. : Prendre la température autour d’un thème avec cette résonnance du polar à la fois comme genre littéraire et comme métaphore, c’est risqué mais passionnant. C’est toujours utile de quitter nos bureaux et occasions trop officielles pour retrouver le monde subjectif de l’art et de la littérature en particulier. J’ai trouvé cette tradition de ces rencontres livresques, qui a commencé bien avant mon arrivée en Algérie, fort intéressante. Nous avons continué, car le livre est important. Le monde sans livres, sans lectures est un monde que je ne veux même pas imaginer.
L. : Un mot de la fin. Votre sentiment avec l’Algérie depuis que vous êtes là… M. S. : Je suis en Algérie depuis trois ans. Je n’ai pas vu le temps passer. Je crois, que l’Algérie, ce n’est pas seulement Alger avec ses bruits et ses embouteillages. L’Algérie, ce sont des lieux comme Béchar ou Taghit. Des lieux magnifiques où le silence et l’immensité vous ressourcent et vous permettent des ballades dans les dunes qui vous rappellent l’éternel et l’éphémère de nos existences.
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