Entre servitudes et révoltes
Un coin perdu au bout du monde, Thirga où des hommes et de femmes tentent de résister de toutes leurs forces aux agressions de toutes sortes. Pour survivre, et avec beaucoup d’acharnement, ils travaillent la terre dont les récoltes fécondes génèrent des brouilles…
L’histoire les rattrape, non la grande Histoire mais celle des hommes envieux ou puissants dont le seul but est de s’accaparer des biens d’autrui. L’ordre ancestral – aussi paradoxal que cela paraît – qui permettait à Thirga une forme de liberté, va se trouver perturbé par la venue de Boutabani qui va imposer sa loi, non sans résistance, notamment celle des femmes. Boussad Oumoussa décide de faire un pèlerinage à la Mecque. Il est le premier à Thirga. C’est un événement d’importance. Son seul souci avant de partir, est l’honneur de sa femme et de ses filles. L’ainée surtout l’inquiète car elle est devenue femme. Oumoussa prend donc le chemin de la Mecque, mais à la suite d’incidents de parcours, il ne peut effectuer le pèlerinage. Il revient donc au pays et est accueilli avec tous les honneurs, « une véritable liesse diabolique ». Rien ne manque ! La zorna, les chants, les danses, le repas plantureux, un burnous en cadeau. Thirga accueille son premier pèlerin. Oumoussa a beau révéler la vérité : « cheikh…je n’ai pas été au berceau ». Le cheikh ne veut rien entendre.
A son retour, il marie ses deux filles. Dahbia a huit ans et est mariée à Idir, seize ans. La transaction s’est faite au marché aux bestiaux. Idir qui n’avait connu sa femme qu’une nuit seulement, quitte le pays pour trouver du travail. C’est le drame de l’émigration qui entraîne rupture, nostalgie et surtout oubli. La deuxième fille est mariée avec Amar Penche-tête. Ce personnage porte ce sobriquet car dès qu’ « il se trouvait en face d’une fille, sa tête basculait sur son épaule droite. Il demeurait coincé jusqu’à ce que l’effet du charme se dissipa, d’où le sobriquet de Amar Penche-tête ».
Ce qu’íl faut retenir de cette oeuvre extrêmement dense, c’est l’importance du regard de l’auteur sur la femme. Baya, épouse d’Oumoussa est effacée, inexistante, invisible. Elle a été toute sa vie l’esclave de son seigneur et maître. Le jour où Oumoussa voit un couple assis sur les dalles de Thimatin « il avait été complètement bouleversé, dans ses sentiments intimes et remis en cause sa longue vie dénuée d’amour et de tendresse ». Il prend alors conscience de l’existence de sa femme ; il culpabilise, devient tendre, attentionné. Mais, hélas, il est trop tard, il tombe malade…
Plus tragique est le destin de Sekoura, mariée à Penche-tête. Azouaou, le neveu de Penche-tête a déserté. Il est introuvable. L’administrateur en signe de représailles menace de ramener « toutes les femmes d’Imoula au casernement…Sekoura en tête ». Penche-tête ne peut supporter cette atteinte à son honneur. Il tue l’administrateur… Sekoura « qui vécut droite et debout » réveille tout un village engourdi par l’indifférence. Elle devient un symbole d’amour partagé et de résistance. Elle mène son village vers la lumière. Elle meurt heureuse d’avoir vu le soleil se lever.
Ainsi, toute l’oeuvre est émaillée d’anecdotes réalistes qui révèlent le fonctionnement d’une société archaïque. Ecrit avec beaucoup d’humour, parfois corrosif, ce roman Thirga au bout du monde du cinéaste Ali Mouzaoui dénonce l’hypocrisie, le charlatanisme, le mépris des êtres humains qui ne demandent qu’à vivre en paix et en liberté.
Il n'ya pas de réponses pour le moment.
Laissez un commentaire