Dans ce vaste monde de la littérature, l’écrivain nous livre le meilleur comme le pire par le roman, l’essai, la poésie, les nouvelles… un univers parfois attirant, prenant, «in». Sans dogmatisme aucun, le pire est de voir les écrivains et les artistes trimer pour enfanter un intérieur, et rien ne se passe pour eux : ni rencontres, ni débats, ni signature de leurs ouvrages… Bref. Sans que ma critique ne soit lapidaire, simplificatrice ou encore hostile, il est urgent d’imposer par tous les moyens un monde des écrivains qui bouge et invente une littérature algérienne contemporaine. Nous organisons le premier forum de L’ivrEscQ, ce mois de mai, avec le lancement du Prix L’ivrEscQ pour sa première édition, tout en espérant que l’élaboration de ce rendez-vous donnera lieu à des réflexions et des discussions très intenses.
Quand on y songe, les principaux thèmes récurrents de la littérature sont la vie, l’amour, la mort. Les personnages des œuvres fictives rivalisent élégamment avec le déroulement de la réalité. Ils appréhendent probablement cette triade : qui sommes-nous réellement à travers cet élément constant, maître suprême, le Temps? On parcourt des lignes, des chapitres, des livres et leurs suites pour une conception allégorique d’une vie consolatrice. L’écrivain, ce dieu des mots, façonneur d’un horizon selon ses désirs et ses opinions, se torture à comprendre un monde, le sien, kaléidoscope de sa propre réalité et de sa fiction et invente un monde livresque. Il écrit, rature, revoit, triche, ment. «Les meilleurs menteurs sont ceux qui croient à leurs propres mensonges», disait Ian McEwan, un écrivain britannique célèbre. Cependant, son écrit éclaire, amuse, titille, subjugue ses lecteurs. On veut tout savoir de Dib, Mammeri, Feraoun, Djaout, Skif, Ouettar, Camus, Marquez, et toute la grande famille littéraire universelle… Et même si ce «Remonteur d’Horloge» leur a ôté ces pans de vie, eux, ont laissé savamment de leurs mains jamais fermées à l’art la meilleure empreinte des saisons pour une littérature toujours triomphante.
En lisant le dernier ouvrage d’Akli Tadjer Les Thermes du Paradis, je ressentais ce sentiment plaisant de le suivre par cet enclenchement au commencement déjà d’une verve tanguant entre le sérieux et l’amusant. Le vivant et le macchabée. Le noir et le blanc. Le fataliste et le jouisseur, voire l’épicurien. Au-delà du regard attendrissant de Léo, handicapé et sa dulcinée, renfermée dans un esseulement quasi bavard, il y a un temps d’arrêt sur les questions sociétales de notre temps, présentes comme une quête d’identité. Le dilemme imposé au personnage central du roman entre posséder un amour garanti par la cécité de son Léo ou traiter son handicap au prix d’une seule valeur humaine, humaniste, aux accents d’une passion amoureuse, demeure fortement installé. Comment départager ces deux aspects de la vie non manichéens ? Néanmoins, un axe s’inscrit-il plus fort que l’autre. Entre la beauté intérieure et la beauté des vamps, aujourd’hui acquise en tant qu’atout vital du féminin, notre romancier nous emporte en offrant un tableau de la société sur laquelle il jette un regard lucide, teinté, incontestablement, de ses expériences personnelles. Le choix de déléguer la parole aux situations permet à l’auteur de s’effacer. Cette distance lui donne une liberté de ton plus grande et l’exclut des cibles visées. Est-ce un regard au service de l’humanisme qu’Akli Tadjer nous brosse à travers cette trame qui se lit d’une seule traite ? Il y a mille réponses, et c’est aux lecteurs de pointer le curseur à leur convenance pour trancher entre la beauté consommable trop liftée de nos jours et cet halo intérieur qui miroite au tréfonds de l’être, qui lui s’indiffère du bling-bling mais accorde le mérite à la grandeur… Les Thermes du Paradis est un roman à la fois dense et aéré, exubérant et parfaitement maîtrisé à lire en ce printemps 2014.
La rubrique Les arts de L’ivrEscQ est consacrée à Mustapha Nedjai. Il est écrivain, plasticien, poète, un artiste au sens large du terme. Devant ses expositions nationales ou internationales, on reste ému par un discours infini de l’art qui vous parle, la poésie vous parle, le possible et l’inaltérable vous causent. Dans le dossier qui lui a été consacré dans L’ivrEscQ, notre artiste est à découvrir. Donnons la parole à ce maître de la maîtrise artistique sans excès ni flagornerie.
Bonne lecture !
n.sebkhi@livrescq.com
Il n'ya pas de réponses pour le moment.
Laissez un commentaire