Volubile ou silencieux, mesuré ou passionné, Karim Amiti nous emballe par la découverte de la culture dans tous ses états, à travers la Chaîne III et Canal Algérie.
L’ivrEscQ : L’antagonisme est irréductible entre la télévision et la littérature. L’une est détente et divertissement lorsque la seconde se veut vecteur du savoir. A quel prix la littérature fait de la résistance et s’invite sur les plateaux de télévision? Quel traitement la télévision accorde-t-elle à la littérature ?
K.Amiti : Depuis toujours, la télévision algérienne a animé des débats littéraires. On se rappelle de Waciney Lâaredj, Amine Zaoui ou Fodil Boumala, ils ont animé des émissions qui restent gravées en nous. En 2000, ma première émission culturelle ponctuée par la présence en force du livre «M’Rahba» passait à 15h. Quelques mois plus tard, le directeur de la Télévision a demandé à ce qu’elle passerait en prime. Ceci, pour vous dire l’impact du binôme culture-littérature que la télévision algérienne accorde. Quand on sait que dans les télévisions françaises ou allemandes ou autres… les émissions sur la littérature passent à minuit ou tendent même à disparaître, je crois que tout reste à espérer, chez nous.
L : Vous avez animé les émissions littéraires très tôt à la radio, puis ensuite à la télévision. On vous connaît joueur de verbe et de rime. Quelles exigences et contraintes vous imposez-vous ?
K.A. : Indiscutablement, j’exige de moi la perfection ; je me remets en question en restant terre-à-terre, car mon but est de cibler le grand public. Hier, par hasard, je passais devant un collège, un adolescent de treize, quatorze ans, m’a pointé de l’index en disant « Culture Club », j’étais heureux de voir qu’il m’ait reconnu vecteur culturel. Je me dis, à ce moment-là, que le pari est gagné. Quant au jeu de verbe ou de rime, j’aime le verbe « poétiquement chantant », manie d’artiste ou d’animateur, allez savoir (rire)!
L : Pour L’ivrEscQ, vous avez accepté de livrer quelques secrets. Etes-vous sensible aux critiques ?
K.A. : J’ai eu des critiques négatives où je ne me reconnais pas, parfois c’est même creux et ça ne rapporte rien, si ce n’est de l’aigreur. C’est curieux, d’ailleurs! Aussi on ne peut pas plaire à tout le monde, comme dirait l’autre. Cela dit, lorsqu’il y a une vraie critique je me sens à l’aise et je me remets en question.
L : Vous souhaitez à la fois plaire et instruire, est-ce que cette envolée n’agace-t-elle pas quelque peu l’invité par l’impression d’être parfois effacé ?
K.A. : Il arrive que mes invités soient intimidés par les caméras, donc j’y remédie. A mes débuts, j’ai commencé par la radio, quelques années plus tard, j’ai fait mon expérience à la télévision. Les deux métiers sont différents. En effet à la radio, on ne doit pas laisser planer le silence. Le temps doit être « meublé », donc je speed. Et plus tard, à la télévision, il m’était difficile de penser à l’image. L’urgence était de réussir les débats, aussi, il fallait que le débat soit suivi par tout le monde. Je suis animateur, je ne m’autoproclame nullement spécialiste de la littérature ou d’une quelconque discipline.
L : Quelles ont été les rencontres les plus déterminantes de votre vie ?
K.A. : J’ai eu beaucoup de chance avec les femmes, après celle qui m’a donné la naissance, il y a une femme extraordinaire qui m’a permis d’être ce que je suis devenu : Leila Boutaleb. C’est un être fascinant. En 1988, à mes dix-neuf ans, comme tout jeune qui doute de lui-même, j’appelle l’animatrice de l’émission «A coeur ouvert», je lui débite que je rêve de l’Eldorado, et que ma vie n’est pas ici…etc. Elle m’invite à la radio et depuis je fais de la radio. Je lui dois tout. Quelques années plus tard, Amina Debbache, m’a boosté à la télévision. En fait, les femmes sont déterminantes dans ma vie. J’ai rencontré des gens très simples de la radio qui m’ont transmis une présence merveilleuse, loin des intellectuels « pète-sec ». J’avoue me méfier beaucoup des intellectuels guindés en, général.
L : Qu’est ce que l’invité de la télévision ou de la radio vous a rapporté ?
K.A. : Les invités m’ont apporté beaucoup d’expériences. Chaque invité a apporté une pierre à ma bâtisse. Etant philanthrope, j’aime la proximité chez l’autre, mais surtout la passion que dégage l’autre. Tous mes invités, sans démagogie aucune, sont importants.
L : Qu’en est-il, aujourd’hui, du goût des lecteurs pour des livres algériens publiés en Algérie, quand on sait que l’auteur qui publie ailleurs reste le plus convoité par les médias algériens ?
K.A. : Je crois que tout se lit chez nous. Il est vrai que les livres d’Histoire et les livres à polémiques attirent plus, pas plus qu’ailleurs. Cependant, c’est une réalité que l’auteur qui publie en France est plus convoité que celui qui publie ici. En effet, c’est une question que je ne cesse de soulever dans mes émissions. L’Algérie a organisé le Panafricain, je crois qu’il est temps de regarder dans notre continent et l’imposer dans le monde pour en faire la force de la littérature et d’autres domaines.
L : Quels accueils, par la radio et la télévision, ont les écrits des auteurs qui s’affirment ici chez nous ?
K.A. : Dans mes émissions, j’invite les auteurs qui publient chez nous, car je suis optimiste sur la force qu’ils ont. A mon humble avis, je crois que quand les écrivains choisissent ce parcours, ils savent que ce n’est nullement facile pour eux. J’en connais beaucoup qui ont abandonné l’écriture, d’ailleurs !
L : Quel va être le nouveau visage de l’émission à la rentrée ?
K.A. : Le décor va changer. Aussi, je veux introduire dans mon espace la société civile. Je veux que tout le monde intervienne. La direction est ouverte à ma suggestion, mais on verra.
L : Derrière la fascination du verbe émanant de Karim Amiti qui ressort à flot, est-ce que l’idée d’écrire vous a effleuré l’esprit ?
K.A. : C’est inhérent à moi-même, cette façon de sentir le mot. Cependant, je suis très paresseux. Ecrire c’est réfléchir et s’y mettre. Je m’approche de la quarantaine, je ressens fortement une envie d’écrire, probablement les nouvelles, et non le roman.
L : Certains passages de votre vie semblent sortir comme d’un roman. Etes-vous chanceux ?
K.A. : Ce n’est pas aussi simple que ça. Il arrive qu’à travers les questionnements, les entraves, les doutes et toute la difficulté drainés, on ne déguste pas les faveurs. Néanmoins, oui, il y a des passages de sa vie, si on revenait en arrière comme dans un film au ralenti, on s’aperçoit que certains rêves sont, en effet, là. Encore faut-il marquer un temps d’arrêt contre la course de la montre.
2 Réponses pour cet article
Monsieur Amiti, je vous remercie pour votre action en faveur de la promotion de la culture en Algérie, ça nous change des émissions religieuses qui envahissent nos chaines.
je suis l’un de vos fans et j’apprécie beaucoup ce que vous faites monsieur Amiti moi je suis aide gérant dans une librairie a Batna et j’aimerais bien vous connaitre si vous me le permettez
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