À la question qu’est-ce que le beau que Platon se pose dans Hippias majeur, la réponse la plus retenue de la Grèce antique à nos jours, est celle qui affirme que le beau est ce qui plaît, suscite l’admiration et attire le regard. «Quand un objet a tendance à donner du plaisir à qui le possède, il est toujours regardé comme beau», affirme le philosophe anglais David Hume (1711-1776), soulignant explicitement le lien étroit entre le beau et le plaisir. Cette définition du beau soulève plusieurs questions. En premier lieu celle des critères qui font qu’un objet plaît, permettant de le juger beau. Ensuite, celle du plaisir lui-même qui peut être suscité non pas par le sentiment esthétique mais par l’intérêt. De ce fait, il ne suffit pas qu’un objet plaise pour qu’il soit ipso facto beau.
Quand peut-on donc affirmer qu’un objet est beau ? En réponse à cette question, Emmanuel Kant (1724-1804) précise qu’il n’y a beauté que si la satisfaction que l’objet procure est désintéressée, c’est-à-dire si elle n’est motivée par aucun intérêt. Il affirme que l’intérêt ne doit pas être pris en compte dans le jugement du goût, soit celui par lequel un objet est jugé beau ou laid, afin de ne pas le fausser. L’oeuvre d’art ne doit pas avoir d’autre finalité que la recherche du beau et le désir de le contempler. De ce fait, la qualité du beau en tant que beau se situe en lui-même par le fait qu’il soit beau.
Celui-ci n’a pas besoin d’autres finalités extérieures pour exister. Ainsi, Kant distingue le beau de l’utile : pour lui, le beau n’est pas ce qui est utile, bien au contraire ; le beau doit être dépourvu de toute finalité utilitaire. Si le premier relève du domaine de l’art, qui est libéral, le second renvoie au domaine du métier, activité mercenaire. Assigner au beau une fonction extérieure risque de le pervertir selon Kant. Hannah Arendt, elle aussi, souligne la différence entre le beau et l’utile en opposant les deux concepts. Pour elle, l’utile correspond au monde des objets et le beau, au monde des oeuvres. Les oeuvres d’art, contrairement à tout objet fabriqué, ne visent aucune utilité pratique et ne remplissent aucune fonction dans le processus vital de la société. L’art existe donc pour l’art et le beau pour le beau. La théorie de l’art pour l’art est dé-fendue. La théorie de l’art pour l’art est défendue également par des artistes. Parmi les anciens, le poète et historien irakien Qudama Ibn Jaafar (873-948), pour qui l’objectif de la poésie n’est pas de remplir des fonctions d’utilité sociale ou morale qui altèreraient sa beauté poétique, mais seulement d’être belle. Ce que l’écrivain Savinien de Cyrano de Bergerac au XVIIème siècle, exprimait dans une phrase aussi catégorique qu’explicite: «c’est bien plus beau lorsque c’est inutile.»Les artistes tenants de la théorie de la beauté libre distinguent
le beau de l’utile et opposent les deux concepts : le beau n’est pas l’utile et vice versa, car pour eux une chose cesse d’être belle dès lors qu’elle devient utile.
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