L’ivrEscQ magazine littéraire consacre le Dossier de la présente édition aux best-sellers dans lesquels les bourreaux prennent une place prépondérante dans la littérature contemporaine. Il arrive que nous évoquions des livres et nous y revenons parce que l’intérêt que vous leur portez, chers lecteurs et lectrices, nous incite à y revenir. Notre curiosité va donc à la rencontre de ces succès internationaux, car une flopée d’oeuvres de toutes catégories aborde encore la première et la seconde Guerres mondiales, la déportation des juifs, la Guerre d’Algérie et toutes ces luttes que la terre avorte sous une voûte céleste, parfois peu clémente. Depuis que le monde est monde, la parole donnée aux victimes intéresse peu, contrairement à celle des bourreaux, lesquels fascinent par leur pulsion exterminatrice beaucoup d’écrivains. Charlotte Lacoste dans son essai Séductions du bourreau étaye ces syllogismes en réfutant ingénieusement, entre autres dans Les Bienveillantes de Jonathan Littell, une littérature qui sublime et réhabilite le bourreau.
Dans ce même dossier, Laurent Mauvignier, Jérôme Ferrari et Laurent Binet nous répondent sans ambages de leur expérience littéraire. Ils s’inspirent des événements historiques dont l’horreur n’est plus à démontrer pour saisir le réel dans sa dimension indicible et tenter de les recréer dans une perception novatrice purement littéraire.
L’Algérie millénaire n’est pas en reste puisque Fatéma Bakhaï plonge dans les entrailles du temps et «remonte» avec sa trilogie fictive conçue comme hymne d’amour à la gloire de son pays. L’écrivaine, en proie aux questionnements lancinants, revisite dans Izuran I les origines de nos ancêtres s’étendant de la période de la pierre polie à celle de la conquête musulmane, avec un désir d’écrire d’autant plus fort puisqu’elle va encore dans Izuran II de la conquête musulmane à la chute de grenade. Dans le dernier volume de la saga, Izuran III, Fatéma Bakhaï réexamine ce pan de temps allant de la chute de Grenade au fameux coup de l’éventail…
Notre grande délectation est le roman subversif Youm eddin de Racha el Ameer, écrit en langue arabe classique, qui a suscité beaucoup de remous au Liban. D’une rare beauté, parsemé de références poétiques et religieuses, un imam amoureux livre par le «je» d’une voix de femme son épanchement passionnel. Ce récit nous rappelle Les Oiseaux se cachent pour mourir (The Thorn Birds), de l’écrivaine australienne Colleen McCullough, dans lequel le prêtre est tiraillé entre son amour pour une femme et son seigneur, mais qui finit par céder à la passion terrestre, ou encore La Dernière tentation du Christ, de Nikos Kazantzakis, où des salles de cinéma parisiennes ont été cassées par des exaltés chrétiens. Racha El Ameer qui a publié son ouvrage Le Jour dernier, Confession d’un imam aux éditions Barzakh et Acte Sud se voit étrangement vilipendée, par certains, pour avoir osé parler du sacré et du profane dans son pays. Car, outre qu’un imam est une personne ordinaire, doit-on pointer de l’index la verve d’une auteure lorsqu’elle place dos-à-dos l’amour céleste et l’amour d’un homme ; pourtant cet imam donne libre cours à sa plume grâce à sa muse qui l’enflamme d’une passion torride ! Et puis, en somme, ces escapades comme parade de l’âme, ces épanchements du coeur sont-ce des interdits en islam ? Un livre qui mérite le détour !
Cette vie et ses soubresauts façonnés par des Hommes à leur image, les écrivains nous la rappellent et la sondent dans ce qu’elle a de plus intense et de plus mystérieux. Qu’ils soient russe (Guelassimov), italien (Guarnieri), tchadien (Nimrod) ou de chez nous (Saci Ouali et Ali Malek), ces écrivains singuliers sont à découvrir dans cette dixième édition de L’ivrEscQ.
Bonne lecture !
Une Réponse pour cet article
bravo pour votre revue , c’est pour quand le prochain numéro?
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