Nous publions le dernier entretien de Tahar Ouettar accordé à L’ivrEscQ quelques jours avant sa mort.
L’ivrEscQ : D’abord et avant tout, comment se porte votre santé ?
Tahar Ouettar : Je viens de rentrer de Paris. Je souffre, je vous parle difficilement mais, je suis content de vous recevoir. J’ai refusé toute rencontre avec les journalistes car j’ai une mauvaise santé. Puisque c’est un magazine littéraire algérien en langue française, je veux exprimer les malentendus de certains (rire). Attention, ils vont vous fâcher (rire). Sérieusement, je lis beaucoup malgré le mal qui me ronge ; c’est la seule chose que je sais faire. Les médecins m’empêchent de lire, mais je lis quand même. Demain, je descends à al-Jahidhya, cet espace me manque. Je ne reste pas longtemps, juste pour rencontrer, mon équipe et humer cette ambiance du livre qui est un l’air que je respire.
L. : Vous êtes une icône de la littérature algérienne cependant, un écrivain provocateur et sulfureux surtout à l’égard des auteurs algériens francophones…
T. O. : Vous savez (il marque un long temps d’arrêt en se versant un bon thé chaud et reprend) je suis né dans un douar, dans mon enfance, j’apprenais par coeur le Coran, j’ai été émerveillé par la beauté du Texte qui me subjugue et m’interpelle. J’aime la langue arabe, je veux qu’ « El moufarnassine » et les bilingues se mettent à la langue de nos grands-parents. En fait, mon engagement avant et après l’indépendance m’a beaucoup animé et c’est resté en moi.
Mais, lorsque je taquine les francophones, c’est par fraternité et non pas dans une quelconque relation de conflit. C’est vrai, dans les années 1990 j’ai eu des prises de position qui ont suscité de violentes polémiques dans les milieux culturels et politiques. La presse a fait couler la noirceur de son encre sur ses pages en me diabolisant et me marginalisant. En définive, mes propos ont toujours été mal perçus et pris au premier degré. Comme je fais partie des pionniers, fatalement je les choque. Seulement, ils oublient qu’un écrivain doit dire tout ce qui sort de ses trippes.
L. : Quelle est, selon vous, l’état du livre en Algérie?
T. O. : Je salue la ministre madame Khalida Toumi car depuis qu’elle est là, il n’y a jamais eu autant de livres et de mouvements de livres en Algérie. Sans démagogie aucune, elle est la seule ministre de la Culture qui a donné autant de vie au livre. Elle reste la grande militante comme elle sait le faire sur le plan littéraire. Par ailleurs, il y a
actuellement des livres subventionnés par le Ministère, on se demande comment le comité de lecture a pu les publier. Vous voyez de facto, je suis courroucé devant des lacunes. Je me révolte lorsque je vois des incohérences. Je souffle le chaud et le froid en même temps. J’exprime toujours mon sentiment profond par passion, protection et amour, d’autant plus que je suis au soir de ma vie. Vous savez, à travers les activités d’al-Jahidhya, Nous avons boosté de jeunes auteurs, mais je vous avoue que j’ai peur de n’avoir pas fait assez pour la littérature!
L. : Donnez-nous le titre d’un livre que vous êtes en train de lire.
T. O. : N’en riez pas, mais je lis des livres en langue française. Actuellement, je lis et je traduis Sous des dehors si calmes de Jacqueline de Romilly de l’Académie française des éditions de FALLOIS. C’est un roman passionnant. Malgré mon état de santé, je suis en train de le traduire…
L. : N’abusons pas de votre santé, juste un mot, un voeu…
T. O. : Je souhaite que votre magazine L’ivrEscQ, s’attèle à faire connaitre les écrivains arabophones et je souhaite fortement qu’il soit la passerelle entre les deux langues que nous pratiquons. Je reste très attaché à la langue arabe comme je l’ai toujours montré en toute honnêteté. Mon voeu est que le livre mérite toute la sacralité : nous devons le laisser en héritage à nos enfants.
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