Permanence et rupture
Suite à une forte demande de nos lecteurs et à l’occasion du cinquantenaire de la parution de son roman Les Enfants du Nouveau monde paru en janvier 1962 et sa réédition en février 2012 au Seuil (collection Points Seuil), le magazine L’ivrEscQ rend hommage à Assia Djebar.
Les Enfants du nouveau monde (1962) est à la fois une permanence et une rupture dans l’œuvre-vie d’Assia Djebar. D’évidence, le titre constitue un véritable programme car annonçant une nouvelle génération d’Algériens : ceux proches des personnages littéraires de La Soif (1957) et Les Impatients (1958) mais qui dorénavant s’engagent aussi, ceux représentant des citoyens d’une patrie en train de naître en cette année 1961 (juillet-août, temps d’écriture du roman) et ce début de l’année 1962 (janvier, temps de publication de l’ouvrage) où la perception de l’Indépendance est dans le cœur sinon dans le regard de tous. « Ce roman évoque par son titre le nouveau monde de l’Afrique comme autrefois l’Amérique », déclare l’écrivaine dans un entretien (Jeune Afrique, Paris, 4 juin 1962). Permanence de nombreux personnages de la bourgeoisie (« Nous n’avons jamais eu faim », dit Lila) qui s’éveillent à la conscience nationale, d’une part, irruption de l’Histoire dans la fiction romanesque nourrie du vécu de l’auteure, d’autre part, telles sont les deux caractéristiques de ce roman, lesquelles seront des constantes dans l’œuvre à venir d’Assia Djebar. Il s’agit d’une saga située dans une petite ville d’Algérie, Blida qui est nommée en filigrane par de nombreuses allusions dont un « boulevard des oranges amères».
C’est la guerre au dehors, perceptible dans la montagne toute proche, présente aussi dans les lieux publics urbains (rues, cafés-maures). Une multitude de personnages dominée par des femmes de toutes conditions, y apparaissent. On rencontre des militantes mariées ou jeunes filles de la bourgeoisie affranchie (Lila dont le mari Ali est dans la montagne, Hassiba au maquis comme infirmière, Salima en prison pour idées subversives) ou de famille traditionnelle (Chérifa épouse de Youcef responsable politique) ou issus de couples mixtes (Suzanne femme de l’avocat Omar, Alice compagne de Rachid en France). Tout ce monde s’implique directe ment ou non dans le conflit armée car « la Révolution, c’est le combat de tous », même s’il existe des traîtresses comme Touma assassinée par son frère Tawfik parce qu’elle voulait s’émanciper en fréquentant les cafés chics où elle « aime que les hommes violents » du regard. L’individu ne dispose d’aucune place singulière dans le collectif (…)
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